Missionnaires d'Afrique
Vie du FRERE JACQUES VAN DER STAAK
Frère Antonin
(1896-1974)
CONGO
Jacques van der Staak est né le 18 octobre 1896 à Heusden (Hollande). Il avait 35 ans lorsqu'il entra au postulat de Esch St Charles en 1931. Jusqu'alors il avait dirigé une petite entreprise de constructions comme maître-maçon. C'est probablement à cause de la grande différence d'âge entre lui et les jeunes postulants qu'il reçut dès le début le surnom de " Ome Koos " (Oncle Jacques). Dans la Société et ailleurs on ne l'a connu que sous ce nom.
Le 27 mars 1932, Jacques Van der Staak reçut l'habit à Maison Carrée et le nom de Frère Antonin; mais son surnom a survécu à toutes les nominations. A son âge, il était difficile d'apprendre une autre langue. Malgré tous ses efforts, les mots français n'accrochaient plus dans sa mémoire. Quand il parlait avec des Français, il répétait constamment : " Doucement, doucement, parlez plus lentement ". Par contre il faisait preuve d'une vraie maturité quand il s'agissait de prendre des décisions et de décider tout ce qui était de son ressort. On pouvait lui faire confiance; il prenait à cur tout ce qu'il faisait. Cette période du noviciat a été dure pour lui, mais sa piété et ses convictions le préservaient du découragement et l'aidèrent à franchir le cap.
Au cours de sa deuxième année de noviciat le Frère Antonin travailla quelques mois à "ighil Ali et Bou-Nouh. Malgré la difficulté de la langue. Il se donna à fond à son travail. En fait, c'étaient des occupations apparemment de peu d'importance pour un homme de sa compétence. Mais son esprit de foi lui faisait voir plus loin que les apparences. Le 1er avril 1934, il prononça son premier serment à Maison Carrée; il y resta pour travailler. Le 2 janvier 1935, il se rendit au Postulat des Frères à Condette (France), où il fut chargé des travaux d'aménagement. On l'employa encore quelques mois à Paris avant son départ pour le Kivu (Zaïre) en septembre 1936.
Monseigneur Leys nomma " Ome Koos " à Jomba. Il se mit avec courage à l'étude du Kinyarwanda qui est une langue difficile. Pas spécialement doué pour les langues le Kinyarwanda avait peine à rentrer dans sa tête et n'y restait pas longtemps. A Jomba, le Frère Rumoldus venait de terminer la nouvelle maison d'habitation. Il fallait l'achever. Ome Koos construisit aussi son fameux collège, qui était en fait un internat pour fils de chefs.
Ome Koos avait un caractère jovial, agréable. En communauté, il aimait à parler de sa jeunesse et de son ancien métier. Devant les confrères, il débitait de longs passages de pièces de théâtres où il avait joué un rôle. Pendant la nuit, il dormait mal; il avait des cauchemars, pendant lesquels il calculait les frais et les dépenses de ses travaux, construisait des maisons et des églises; parfois il criait à haute voix. Le lendemain matin, il avait sa façon à lui de raconter ses rêves et de dire ses problèmes.
Au mois de mars 1937, Monseigneur Leys l'appela dare-dare à Mugeri, où le vieux Frère Hyacinthe avait des difficultés avec les cintres de la nouvelle église. Le Frère Antonin fut fort surpris que pour des constructions de cette ampleur on n'employât pas du ciment, rien que du potopoto. Il était presque découragé qu'on l'obligeât à achever cette construction dans des conditions dangereuses pour la solidité. Il ne cessait de répéter que pour ses constructions en Hollande, il lui suffisait d'un coup de téléphone Mais au Kivu, il n'y avait pas de téléphone, même pas une fabrique de tuiles ou de briques. Il fallait tout faire soi-même, jusqu'aux pièces de menuiserie. Malgré tout, Ome Koos était content de pouvoir construire des églises. Cet idéal avait été le grand désir de sa vie et comme le tremplin de sa vocation.
Quand l'église de Mugeri fut achevée, le Frère Antonin y construisit aussi les nouveaux dortoirs des élèves, une nouvelle résidence pour l'évêque, etc. En 1944, il passe à la mission de Katana- Mwanda à peu de distance de Mugeri, pour y construire l'église définitive. C'est là qu'il eut un accident de travail : il tomba d'un échafaudage de deux mètres de haut et se cassa le pied. En 1947, il partit en Hollande pour son premier congé et sa grande retraite à Maison-Carrée.
A son retour au Kivu, en Octobre 1948, le Frère Antonin est envoyé à Mungombe. L'ancienne mission devait être adaptée à sa nouvelle destination de petit séminaire. Il y construit en peu de temps un grand dortoir. Un mois plus tard il s'installe à Mwanda-Katana où il construisit l'école normale des Surs Blanches et la maison définitive des Pères. En 1952 Mgr Geeraerts l'envoya à Kiringye, une nouvelle mission, qui devait se construire dans la plaine de la Rusizi, près de Luvungi, à mi-chemin environ entre Bukavu et Uvira. Sur place il n'y avait rien. Le Frère créa cette nouvelle paroisse. C'était un véritable expert. Il savait établir des plans, avait du goût dans ses constructions. Il faisait du solide et du bien fait.
Au mois de juillet 1955, Ome Koos retourne à Jomba où il mit la dernière main aux nouveaux bâtiments de l'École d'apprentissage Pédagogique (E.A.P), construisit de nouveaux bureaux et une nouvelle cuisine à la mission, ainsi que la maison du docteur qui ne vint jamais. Il édifia aussi de nouvelles classes dans diverses succursales.
Au mois de novembre 1957, le Frère Antonin partit à Rutshuru pour une nouvelle fondation. Il y construisit en bois une maison de communauté. Cette construction sert encore actuellement pour l'école primaire des filles. Après son congé de 1958-1959, il retourna à Rutshuru pour construire une église à Singa. Mais après trois mois, au mois de septembre, il était appelé à Goma pour la construction d'une procure et d'une modeste résidence pour l'évêque, Monseigneur Busimba, premier évêque de Goma. L'installation fut achevée en un temps record.
Mgr Joseph Busimba 1er évêque de Goma nommé le 1er Mars 1960
Il fut ordonné le 8 Mai 1960 à Rome par le pape Jean XXIII (+ 7 Sept 1974)
Entre-temps le pays était devenu indépendant et la situation avait changé. Ome Koos avait de la peine à la nouvelle mentalité. De plus, sa santé s'était sérieusement détériorée. Lorsqu'il rentra en Hollande au mois de septembre 1961, c'était pour de bon. Il était revenu en Europe pour se reposer, mais ce ne fut pas un repos qui tourna à l'oisiveté. De 1961 à 1965, le Frère Antonin résida au Collège Saint Paul à Sterksel. Il y était portier et s'occupa du réfectoire des professeurs. Il aimait faire un brin de causette et était toujours heureux d'évoquer ses constructions au Kivu. Très attentif pour les élèves, il s'intéressait à leurs parents. Le dimanche il avait congé comme portier, mais quand une famille d'élève venait en visite il croyait obligé de la recevoir. Il aimait qu'on le taquinât, qu'on le félicitât pour son travail. Par tempérament il était sociable et aimait les contacts. Mais peu à peu l'âge se fit sentir de plus en plus.
En 1965, Ome Koos fut heureux de trouver une place libre à la maison de retraite de Oss. En 1967, avec une grande partie de cette communauté, il alla occuper la nouvelle maison de repos de Heeten. Vers le mois de juin 1974, on dut le transférer à la maison de repos des Frères de Huize Steenwijk à Vught; on ne pouvait plus le soigner convenablement à Heeten, car il devait rester au lit. Ome Koos était heureux de cette solution et appréciait hautement tout ce qu'on faisait pour lui de nuit et de jour. C'était un malade facile et reconnaissant. Il ne se plaignait jamais, tout était bon. Il ne semble pas avoir souffert beaucoup ; il était simplement usé par toute une vie de travail. Le dimanche 1er septembre, tout le monde pensait que c'était la fin. On récita plusieurs fois les prières des mourants, mais la respiration reprit régulièrement. Finalement il s'est éteint doucement vers 5h30, le lundi matin.
Ome Koos au premier abord pouvait paraître rude, mais en fait il a gardé toute sa vie une âme d'enfant; il était simple, délicat. Maître-maçon de métier, il a rendu de grands services à l'Eglise au Kivu et au pays. Il connaissait son travail. Il est arrivé que des supérieurs ou des économes sans aucune compétence se sont ingérés dans ses affaires. Il en a souffert et à juste titre; il en a même été découragé parfois, avec son tempérament sensible, impressionnable. Mais les nombreuses constructions dans les diocèses de Bukavu, Goma et Uvira restent un témoignage de son savoir-faire.
Malgré les circonstances parfois difficiles il a toujours eu au cur de faire du beau travail, et ce travail parle encore de Ome Koos à tous ceux qui l'ont connu et se souviennent de lui avec sympathie.
Extrait du Petit Echo N. 658 1975 /3
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Par Père Innocent Maganya, M. Afr originaire de Jomba