BURKINA
FASO
François Jaquinod M.Afr
Je ne peux que rendre
grâce au Seigneur
Après notre ordination à Carthage, le 1er février 1950, nous étions invités à présenter nos desiderata pour notre prochaine affectation. J’ai demandé en premier lieu Gao-Nouna, puis Bamako. J’évitais surtout de mentionner Bobo-Dioulasso, car je savais qu’on cherchait des professeurs pour le nouveau petit séminaire de Nasso et je ne voulais pas être professeur.
Un
jour, pendant l’examen particulier à la chapelle, le supérieur
du scolasticat est venu nous annoncer les nominations. Je n’étais
affecté ni à Gao, ni à Bamako, ni même à
Bobo-Dioulasso, mais directement à Nasso ! En fait, je n’y suis resté
qu’une année scolaire ; après, j’ai toujours été
en paroisse rurale. Cette année au petit séminaire a été
bénéfique, puisqu’elle m’a permis de connaître les séminaristes.
Par la suite, j’ai eu l’occasion de les retrouver, soit comme évêque,
prêtres ou fonctionnaires : les relations avec eux en étaient
facilitées.
En 1975, nous nous étions regroupés à Bobo pour fêter
dans l’intimité nos 25 années de sacerdoce. Je me souviens
que dans mon témoignage, je disais ne pas pouvoir présenter
un bilan bien positif de mon activité missionnaire ; mais je rendais
grâce au Seigneur car, malgré tout, par sa grâce, je
ne m’étais jamais découragé. En effet, de toutes les
classes qui étaient à Nasso cette année-là,
il en est sorti des prêtres, sauf d’une, la mienne ! Dans les différentes
paroisses où j’ai servi : Niangoloko, Dionkélé-Ndorola,
Orodara, les secteurs qui m’étaient confiés étaient
plutôt imperméables à la Bonne Nouvelle. Dans un village
que je visitais, un vieux m’a déclaré un jour : “Ne te fatigue
pas à venir nous voir ; on sait où tu habites, on sait ce
que tu as à nous dire ; alors, quand on aura besoin de toi, on ira
t’appeler !”
Il
y a un autre village qui m’a fortement interpellé : Soubaka, alors
le plus gros village gouin de la paroisse de Niangoloko. Dès 1944,
ce village a été régulièrement visité
par les Pères. À leur suite, pendant les 20 années
passées à Niangoloko, j’y suis allé régulièrement,
presque chaque semaine. Il n’y avait que quelques fonctionnaires chrétiens
pour assister aux célébrations eucharistiques, et leurs enfants
pour la catéchèse, mais indifférence totale de la part
des paysans.
Un vieux missionnaire, le Père de Montjoie, me disait : “II ne faut
pas abandonner. Continue à visiter le village. Un jour viendra.”
Et le jour est venu ! Après 55 ans de visites des missionnaires,
l’ensemencement a fini par germer et fructifier. Je devais quitter la paroisse
pour laisser la place à un prêtre diocésain quand, à
Pâques 1999, j’ai pu donner le baptême à un premier groupe
de 15 adultes de ce village. Par la suite, cette nouvelle communauté
s’est organisée, développée. Cette année, Monseigneur
Lucas Sanou y a inauguré une nouvelle paroisse au milieu d’une assistance
très nombreuse. À Pâques, il était prévu
de baptiser 26 adultes. L’Esprit Saint souffle où il veut et quand
il veut ; nous ne sommes que des serviteurs inutiles, mais dont le Seigneur,
dans sa grande bonté, veut bien se servir.
Quand je relis ma vie après plus de 60 ans de présence au
Burkina Faso, je ne peux que rendre grâce au Seigneur qui m’a toujours
comblé de sa bienveillance. Ma famille était sans doute modeste,
mais profondément chrétienne. Elle est toujours restée
très unie et a été pour moi un soutien inestimable
tout au long de mon cheminement. Dans une telle ambiance, une vocation s’éveille
comme naturellement. Il me semble que j’ai toujours désiré
être prêtre et missionnaire.
C’est dans mon village, Cerdon, France, que le vénérable Jean-Claude
Colin a fondé la Société de Marie. Les missionnaires
Maristes de l’Océanie visitaient souvent la paroisse. Mon orientation
s’est précisée plus tard, mais pas vers eux. Quand j’avais
dix ans, j’ai entendu un jeune (François Jacquet, décédé
en 1998) qui annonçait qu’il rentrait chez les Pères Blancs
en Bretagne ; je n’avais jamais entendu parler d’eux, mais à cette
annonce j’ai ressenti aussitôt un appel et depuis, j’ai toujours envisagé
d’aller moi aussi chez les Pères Blancs !
Ma
formation s’est déroulée sans incident personnel majeur :
petit séminaire, grand séminaire diocésain, noviciat
à Maison Carrée, scolasticat à Thibar et Carthage :
tout s’est poursuivi normalement. Quant à ma vie de missionnaire,
j’ai été brassé à toutes les sauces : professeur,
directeur d’école primaire, formateur de catéchistes, aumônier
diocésain des CV/AV, infirmier, maçon, vicaire, curé,
vicaire épiscopal. J’ai même été directeur du
Centre de formation agricole de Dionkélé pendant trois années.
Il m’est arrivé de dire en plaisantant : “J’ai au moins réussi
une chose dans ma vie : dresser des bœufs pour le labour des champs.”
Finalement, j’ai atterri à la Maison d’accueil des Missionnaires
d’Afrique à Bobo-Dioulasso, d’abord comme économe puis, jugeant
que j’étais trop vieux, mes supérieurs m’ont mis à
la retraite sur place. Je suis donc encore là, depuis 1999, assurant
la permanence et essayant de rendre service à la communauté
et à l’extérieur. Je peux ainsi rester ici encore quelque
temps grâce à ma bonne santé qui m’a permis de me maintenir
au Burkina Faso jusqu’à ce jour.
Ensuite, ce sera le retour définitif pour une maison de retraite
où je continuerai de remercier le Seigneur pour tous ses bienfaits
qui m’ont permis d’avoir toujours été heureux là où
la Providence et mes supérieurs m’ont envoyé.
Oui, le Seigneur est bon ! Éternel est son Amour !
Voir
aussi autre Témoignage du P. François
François Jaquinod
Burkina
Faso
François Jaquinod M.Afr.
I
cannot but give thanks
to the Lord
After my
ordination at Carthage on the 1st February 1950, we were invited to put
forward our desiderata for our next appointment. In the first place, I requested
Gao-Nouna, then Bamako. Above all I avoided mentioning Bobo-Dioulasso, because
I knew they were looking for teachers for the new junior seminary at Nasso
and I did not want teach. One day during Particular Examen in the chapel,
the Superior of the Scholasticate came to announce the appointments to us.
I was not appointed to Gao, or Bamako; not even to Bobo-Dioulasso, but directly
to Nasso! In fact, I only stayed there for a school year. Afterwards, I
was always in rural parishes. The year at the junior seminary was beneficial,
as it enabled me to get to know the seminarians. Subsequently, I had the
opportunity to meet them either as bishops, priests or civil servants; relations
with them were made easier as a result.
In
1975, we came together at Bobo to celebrate among ourselves our 25 years
of priesthood. I remember saying in my testimony that I could not present
a very positive account of my missionary activity, but that I gave thanks
to God because in spite of everything by his grace, I never gave up. Indeed,
of all the classes that attended Nasso that year, there were priests who
came out of them all, except mine! In the various posts in which I served,
Niangoloko, Dionkélé-Ndorola, Orodara, were sectors entrusted
to me that were rather impervious to the Good News. In a village I was visiting,
one old man said to me one day, ‘Don’t bother coming to see us; we know
where you live, we know what you have to say to us; so when we need you,
we will call you!’
Soubaka was another village that challenged me greatly. It was the largest
Cerma village of Niangoloko Parish. This village had been regularly
visited by the Fathers since 1944. In their footsteps, for the 20 years
I spent at Niangoloko, I went regularly almost every week. There were
only a few civil servants to attend the Eucharistic celebrations and their
children came to catechism, but there was total indifference on the part
of the local farmers.
One
old Missionary, Father de Montjoie, told me, ‘Don’t give up. Continue to
visit the village. Their day will come!’ The day did come! After 55 years
of visits by missionaries, the seedling at last germinated and bore fruit.
I was due to leave the parish to pass it on to a diocesan priest, when,
at Easter 1999, I was able to baptise a first group of 15 adults. Subsequently,
this new community became organised and developed. This year, Bishop Lucas
Sanou inaugurated a new parish in the midst of a very great crowd. At Easter,
26 adults were due to be baptised. The Holy Spirit blows where it wills
and when it wills; we are just useless servants, but whom the Lord in his
great kindness wishes to use.
When I reread my life after over 60 years of existence in Burkina Faso,
I cannot but thank the Lord who has always filled me with his kindness.
Perhaps my family was of modest income, but it was deeply Christian. It
always remained very united and was an inestimable support for me throughout
my life’s journey. A vocation comes naturally into existence in such an
environment. It seems to me I always wanted to be a priest and missionary.
It was in Cerdon, my home village, that the Venerable Jean-Claude Colin
founded the Society of Mary. The Marist Missionaries of Oceania often visited
the parish. My direction in life became clearer later, but I did not go
to them. When I was ten, I heard a youngster (François Jacquet, deceased
in 1998) announced that he was going to join the White Fathers in Brittany.
I had never heard tell of them, but when I heard this, I immediately sensed
a calling and from then on, I too planned to go to the White Fathers!
My
formation took place without a major personal incident. I was in the junior
seminary, diocesan major seminary, novitiate at Maison Carrée, Scholasticate
at Thibar and Carthage; everything took place as normal. As for my missionary
life, I was shifted around; teacher, headmaster of a primary school, trainer
for catechists, diocesan chaplain for CV/AV, male nurse, mason, curate,
parish priest, and Vicar Episcopal. I was even a director of Dionkélé
Agricultural Training Centre for three years. In joking, I was able to say
that I at least managed one thing in my life and that was to break in oxen
to plough the fields.
Finally, I landed at the guesthouse of the Missionaries of Africa at Bobo-Dioulasso,
firstly as Bursar, then, reckoning that I was too old my Superiors retired
me on the spot. I am still here since 1999, manning the place and trying
to be of service to the community and surroundings. I can thus remain here
for some time ahead, thanks to my health that has enabled me to remain in
Burkina Faso until today. Later, I will be liable to return home for good
to a retirement home where I shall continue to give thanks to the Lord for
all his benefits that have enabled me always to have been happy wherever
Providence and my Superior have sent me.
O how good is the Lord, Eternal his merciful love!
François Jaquinod
Translated into English by Donald MacLeod M.Afr
Voir aussi autre Témoignage du P. François