Voix d'Afrique N° 89

EDITORIAL


Vœux

Chrétiens, nous célébrons Noël avec joie. Les familles se réunissent. Nous échangeons des cadeaux. Nous participons à la messe de la nuit. Nous contemplons l’enfant emmailloté dans sa crèche… Mais avons-nous vraiment compris le sens profond de ce que nous célébrons ? Savons-nous percevoir le visage de Dieu et le visage de l’homme, de tout homme, que cet événement de la naissance de Jésus nous manifeste ?

Nous pouvons méditer ces paroles de deux chants, en contemplant Celui que les bergers viennent adorer : « Qui donc est Dieu, si démuni, si grand, si vulnérable ? Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? » « Tout homme est une histoire sacrée ! L’homme est à l’image de Dieu. » St Irénée, qui fut évêque de Lyon (130-208 env.) écrivait : « Le Verbe de Dieu s’est fait chair, et le Fils de Dieu s’est fait homme pour que l’homme entre en communion avec le Verbe de Dieu et qu’il devienne fils de Dieu. »

Cela est vrai pour tout homme, quelle que soit son origine, sa religion, sa langue, sa culture. Oui, puisque Dieu est venu partager la vie des hommes et les appelle tous à être unis à sa divinité, tout homme est fondamentalement une histoire sacrée et, de ce fait, nous pouvons dire que tous les hommes sont égaux en dignité et en droit. Ils le sont parce que tous sont créés à l’image de Dieu et tous sont appelés à vivre unis à Lui.

Nous pouvons encore méditer une phrase du premier chant : « Qui donc est Dieu, qu’on peut si fort blesser en blessant l’homme ? » Durant ces derniers mois, certains discours ont conduit à considérer certains comme des personnes de « moindres droits ». Mais en divisant des familles, en internant des enfants dans des centres de rétention, en expulsant dans leur pays en conflit des demandeurs d’asile, ne blessons-nous pas Dieu en blessant l’homme ? Si des hommes sont atteints dans leur dignité, dans leur humanité, n’est-ce pas l’humanité du Christ et par là même notre propre hu-manité, notre propre dignité, qui sont touchées ? Ne sommes-nous pas, d’une certaine manière, en train de « crucifier » Celui dont nous célébrons la naissance ?

Je vous souhaite une bonne fête de Noël et une bonne année 2011. Noël sera vraiment fête et l’année sera bonne, si nous savons apprendre à devenir, chaque jour, un peu plus humains selon le désir de Dieu, humains capables de reconnaître le divin qui est en nous et qui est en chacun de tous les êtres humains. Dans son journal, Etty Hillesum, juive hollandaise, morte en déportation en 1943, nous indique, en priant Dieu, ce chemin : « Ce n’est pas toi (Dieu) qui peut nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. » Défendre l’humain en nous, l’humain en tout homme, c’est défendre Dieu qui s’est fait homme pour que l’homme soit « divinisé ». N’est-ce pas une tâche missionnaire urgente ?


Guy Vuillemin
Provincial


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Psaume
d’un migrant
abandonné au désert

Seigneur, mon aide et mon refuge,
depuis le sein de ma mère,
tu me connais et tu m’aimes…

Ma mère m’a dit que tu n’abandonnes jamais ceux qui ont confiance en toi,
mais que tu les guides sur les chemins droits,
et que tu les nourris avec le pain du ciel.
Regarde-moi, Seigneur,
je suis perdu ici, loin de mon pays,
dans un pays qui n’appartient à personne.

Je voudrais VIVRE !
Je voudrais échapper
au grappin des multinationales
qui ont fait de notre terre un tas de détritus…
Je voudrais échapper aux guerres
qui nous ont apporté, à nous les pauvres,
tant de famines et de détresse.

Je voudrais VIVRE, Seigneur !
Mais regarde où je suis.
Autour de moi, il n’y a pas de vie,
seulement des corps sans vie
de mes compagnons d’infortune.
Je sens que bientôt
ce sera la même chose pour moi.
Je sais que je vais mourir, Seigneur,
mais je voudrais te demander une chose :

Ne laisse pas ma mère,
ma sœur, mes petits frères,
et tout ceux que je ne reverrai jamais,
être malheureux parce que je ne suis pas là.
Sois leur refuge, leur aide et leur berger, Seigneur !

Accueille-nous dans une place
où il n’y a ni guerre, ni multinationales,
ni exploitation,
mais seulement la vie
et la vie en abondance.

Sœur Paquita Reche. SMNDA

 

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