Voix d'Afrique N°54
Neuf Ans de Pélerinage
- Avec Diego suivi de "l'aventure
continue..."
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![]() ...au diaconat! |
Diego : un
jeune espagnol aux yeux bleus ; ordonné prêtre en juin dernier,
il se prépare à partir pour le Sahara.
Il fait part de son expérience de formation à la vie missionnaire.
Ma vie a commencé
au bord de la méditerranée, sur la côte espagnole, dans
une famille de boulangers. Dès mon enfance, entre le four et la grande
bleue, j'ai senti souffler le vent du large : Cameroun, Equateur, Tchad… des
missionnaires de passage, mon oncle ou des amis venaient nous parler des gens
de là-bas, et à mon tour je commençais à rêver
de l'Afrique.
Mais j'avais peur : mes camarades ne me prendraient pas au sérieux… autant
garder pour moi ces rêves ; je continuais mes études à l'université,
un peu comme Jonas qui fuit devant l'appel du Seigneur : mais Il insistait et
je décidais de franchir le pas : adieu les cours et les copains, les
copines, premier grand départ : six heures de voyage de nuit entre Valence
et Madrid : tu es fou, dans quelle aventure tu t'embarques pauvre Diego ! Premier
saut dans l'inconnu, élan irrésistible : je ne sais qu'une chose,
c'est qu'Il m'appelle.
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Ma première rencontre avec les Pères Blancs : les anciens qui parlent avec une lumière dans les yeux de l'au-delà de l'horizon, des mers traversées, des frontières qui tombent, des pauvres qui accueillent. Après deux ans de philosophie, nouveau grand départ, le baptême de l'air (dix heures de vol) pour Kasama, en Zambie, dans l'autre hémisphère : la langue anglaise, mais aussi les grands espaces, les danses et les chants en chibemba, les marchés bruyants, les longues marches dans les villages ou les rues de la ville dans la poussière rouge ou la boue, les cris, les pleurs et les rires, les tam-tams et les danses : le rêve commençait à devenir réalité. Je rencontrai le Christ en Afrique, le même que celui de Galilée.
Après un an
de formation spirituelle, j'étais envoyé à Khartoum, au
Soudan : une Afrique différente, l'Islam, le Coran, la langue arabe,
les appels à la prière psalmodiés du haut des minarets
trois ou quatre fois par jour : deux ans pour me laisser apprivoiser, me sentir
chez moi dans ce monde inconnu. Je me lançais avec quelque appréhension
dans l'arabe, la nouvelle culture : heureusement je trouvais beaucoup d'amis
pleins d'humour et de patience
J'étais simplement heureux de vivre avec eux, de passer du temps à
apprendre, partager la parole ou le silence, construire l'amitié par
delà toute frontière…
Après quelques semaines de rencontre avec ma famille en Espagne, je repartais pour Nairobi, au Kenya : j'étais mûr pour la réflexion et l'approfondissement théologique en compagnie de jeunes canadiens, burkinabè, tanzaniens, allemands, éthiopiens : avec eux je construisais une nouvelle communauté, je partageais le même désir missionnaire : prière, partage, détentes et sports, rencontre avec les pauvres de la grande ville, trois ans de vie intense en équipe de jeunes candidats missionnaires.
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L'heure
arrivait enfin de franchir le pas : je savais non pas ce qui m'attendait, mais
que c'était là ma place : l'aventure, toujours plus loin, à
Sa suite.
Et maintenant, c'est le Sahara, la langue arabe, l'immensité des dunes,
les oasis, les tentes, les caravanes… l'aventure continue, avec pour seule certitude
qu'Il est là, le Guide : je connais mes limites, je sais aussi qu'Il
est là, le Pèlerin de Galilée, qu'Il m'appelle, le Berger
fidèle ; avec mes frères missionnaires, nous marchons main dans
la main, communauté de témoins prêts à prendre avec
nous pour le voyage les pauvres et les chercheurs de Dieu, et faire advenir
son Royaume.
Valence, Madrid, Kasama, Khartoum, Nairobi, Ghardaia : la préparation
a pris du temps, mais maintenant j'ai compris que l'Afrique a surtout besoin
de témoins, patients, discrets, fidèles et obstinés : la
vie de tous les jours, la rencontre avec les pauvres sont présence de
Dieu : c'est lui qui nous appelle et anime notre désir de marcher, loin,
toujours plus loin.
![]() 3ème Cycle de formation à Nairobi (diego 3ème à partir de la gauche) |
![]() Baptême célébré par Diego à Nairobi |
![]() (Kenya) après qu'il ait été ordonné diacre |
Paris novembre 2001
Diego Sarrio
L'Aventure continue Lorsque Lavigerie envoyait en Afrique les premiers missionnaires, son intention était d'évangéliser le continent et d'y établir fermement l'Eglise. Pendant toute la période coloniale, les missionnaires ont eu à cœur de former non seulement des catéchumènes et des communautés chrétiennes, mais aussi des prêtres africains. Ils ne favorisaient pas l'entrée de jeunes africains dans la Société, car ils voulaient avant tout que les jeunes Eglises d'Afrique soient pourvues d'un solide clergé " autochtone " : l'établissement des églises africaines avaient priorité sur le développement de la société. Avec la fin de la période coloniale, l'indépendance des anciennes colonies, et surtout avec le Concile Vatican II, on commençait à percevoir les fruits des premiers efforts : des évêques africains replaçaient les " vicaires apostoliques " à la tête de diocèses, pourvus d'un clergé africain assez important. Dès lors, la question se posait : les missionnaires ont-ils encore une raison d'être ? Il semblait qu'avec la fin de la colonisation, la mission au loin arrivait également à sa conclusion. Mais, à la réflexion, on réalisait d'abord que de nombreuses populations n'avaient pas encore entendu la bonne nouvelle, ensuite que l'Islam prenait de plus en plus d'influence, en Afrique et dans le monde, et surtout que de nombreux jeunes africains demandaient à devenir missionnaires. Un discernement s'imposait : Le choix, après mure réflexion de tous les missionnaires, après un temps de prière et de discussion ouverte, fut décidé au chapitre de 1982 ; l'aventure missionnaire n'est pas close ; au contraire ! nous avons commencer à proposer aux jeunes africains la vocation missionnaire, suivant le charisme spécifique de Lavigerie : le missionnaire d'Afrique est appelé à partir de chez lui pour partager la vie et la culture des peuples d'Afrique, en particulier des pauvres, à vivre dans une communauté internationale qui soit témoin de l'universalité du message évangélique. Dès lors, la formation des jeunes missionnaires africains devenait
une priorité. |
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