Témoignages

 

Le Père Didier Lemaire interrogé par Radio Vatican,
diffusé ce mardi 6 janvier 2010 sur Radio Vatican - Europe

Avec 261 communautés, les missionnaires d'Afrique sont répandus à travers le monde. Ils prêchent l'amour fraternel par le témoignage, tous unis par la même passion pour l'Évangile.

Photo 2001C'est cette passion qui a mené le Père Didier Lemaire jusqu'en Afrique du Sud.
Le Père Didier Lemaire, Missionnaire d'Afrique est arrivé en Afrique du Sud en 1987, chargé avec une équipe de Missionnaires de s'installer dans le township de Soweto.

Il revient dans le contexte historique de l'époque.
" Bien entendu, c'était le moment de la lutte contre l'apartheid, mais c'était aussi le moment où les populations de Soweto recherchaient à se réinstaller ailleurs, vu que Soweto craquait de partout. Et il y a eu le phénomène des bidonvilles qui se sont créés à ce moment-là sur les terrains libres à Soweto ou ailleurs. Le gouvernement a recherché à les replacer ailleurs et cela a été la création de la deuxième ville " Orange Farm" . À partir de Soweto, nous avons essayé de servir les gens des bidonvilles avec leurs installations temporaires à droite et à gauche. Et c'est comme ça que nous avons ouvert la paroisse de Orange Farm. "

Depuis 1994, une équipe de Pères Blancs est installée à Orange Farm, leur mission se poursuit auprès des plus défavorisés: aider la société à se reconstruire tout en annonçant l'Évangile. Mais le défi est colossal : " La difficulté générale, c'est la transition entre l'apartheid et une société démocratique. Le poids de l'histoire de l'apartheid a encore des conséquences tragiques, dont la violence dans la société. Il y a eu destruction des structures familiales, des valeurs traditionnelles et, reconstruire une société dans ces conditions, c'est difficile… "

C'est une société qui évolue et se reconstruit lentement. Si les droits entre les populations sont aujourd'hui les mêmes, les inégalités entre les riches et les pauvres ont quand même tendance à s'accentuer.

" L'écart entre les riches et les pauvres, en Afrique du Sud, s'est creusé depuis la fin de l'apartheid... Mais, d'une certaine manière, la vie des plus pauvres s'est quand même améliorée. C'est difficilement analysable dans les statistiques mais on le voit ici. Même si les gens habitent dans une baraque en tôle, il peut y avoir à l'intérieur la télévision, la vidéo, des téléphones portables... Donc, imperceptiblement, il y a quand même une amélioration qui n'apparaît peut-être pas dans les statistiques... ".

Les difficultés n'épargnent pas les Missionnaires. Ils sont eux-aussi confrontés à la violence et en sont parfois les victimes. Le Père Louis Blondel, Pères Blanc, dans le pays depuis plus de 20 ans a été tué au début du mois de décembre. " Ce sont des petits jeunes, des petits malfrats qui pensaient faire une affaire... Quand ils sont arrivés devant la porte du Père Louis, il a peut-être ouvert la porte un peu violemment : "hé, là, qu'est-ce qui se passe ici ?"… Et les petits jeunes ont pris peur. Celui de 18 ans qui, probablement, a tiré le coup de feu a dit : "Oh ! J'ai eu peur, alors …j'ai voulu faire peur... ! Mais malheureusement ces événements ont des conséquences tragiques... "

C'est un événement tragique qui a en effet choqué toute la communauté des Pères Blancs et leurs amis. Le Père Didier, d'ailleurs, le connaissait bien : " il venait de quitter Orange Farm pour fonder cette nouvelle paroisse de Diepsloot dans le nord-ouest de Johannesburg, avec le Père Guy Bourgeois. Tous les deux avaient été mes confrères ici à Orange Farm, et de tous ses projets nous en parlions beaucoup ensemble et on a tout un réseau d'amis, ici, en Afrique du Sud et en France. Au moment de son enterrement, il y a tous ses amis qui sont venus de Singapour, de Pékin, de Paris pour assister à l'enterrement, pour nous soutenir et nous montrer que ce réseau d'amitiés est toujours vivant. "

Si la violence fait partie de la vie à Soweto, ce genre d'incidents n'est tout de même pas chose commune : " Il y a certainement une insécurité et beaucoup disent avoir déjà été attaqués. Parmi nous, plusieurs ont déjà été attaqués pour des petits vols à main armée... Mais généralement, on se dit : " ne résistons pas et donnons-leur ce qu'ils veulent..." Et ils partent avec un petit peu d'argent ou quelques biens, trois fois rien... Malheureusement là, cela a tourné au drame. Ils ont été pris et la justice va suivre son cours mais qu'est ce que l'on peut dire, nous-mêmes ? ! Le Christ lui-même a dit : " Père, pardonnez leur..."
Malheureusement, ce sont des choses qui arrivent, ici, en Afrique du Sud ".

Mais malgré les incidents, les Missionnaire d'Afrique poursuivent leur action. Le soutien qui leur est manifesté est essentiel. " Cet événement, tragique nous a tous choqués et laissés sans voix, bien entendu, mais, le Père Blondel et nous autres, on a fait des choix, il y a longtemps, le choix de la lutte contre l'apartheid et maintenant, le choix de vivre avec les plus pauvres.

Si on est venu à Orange Farm, c'est que les gens n'avaient rien. Il fallait tout reconstruire avec eux, toute leur vie. Or Orange Farm est à 40 km de tous les centres importants, il y un chômage de 70 % de la population active.... On a donc fait le choix de vivre là, d'y porter le témoignage de l'Évangile et d'essayer avec eux d'améliorer leur vie et leurs conditions de vie.... On a offert, en même temps que les valeurs de l'Évangile, un regroupement en paroisses et en communautés chrétiennes, un choix de développement, un bureau pour la promotion des droits de l'homme, un centre de formation pour adultes pour qu'ils puissent acquérir des métiers et se débrouiller par eux-mêmes... C'est sûr, on est tous choqués et désarçonnés par ce qui est arrivé au Père Louis, mais on est entourés par des communautés chrétiennes qui ont montré un sens de l'amour et de la solidarité qui réchauffe le cœur et ça nous donne du courage pour continuer... "

Répandus aujourd'hui dans de nombreux pays africains, les Pères Missionnaires d'Afrique répondent à la triple exigence que leur a laissée Mgr Lavigerie, leur fondateur : " Vous parlerez la langue des gens, vous mangerez leur nourriture, vous porterez leur habit... "

(Le Père Didier Lemaire, missionnaire en Afrique du Sud, interrogé par Cyrielle Flosi.)