Voix d'Afrique N°77.....

Christophe Boyer
a été pendant trois ans un membre de la communauté de la rue du Printemps.
Il collaborait avec la Délégation Catholique à la Coopération.
Il est reparti en Afrique et nous fait partager son expérience.

 

Au Malawi
"Christophe, on a besoin de toi au Malawi ! " Devant cette proposition, Christophe reste perplexe. Après dix ans au Soudan, il avait travaillé au Service de la Coopération chrétienne à Paris pendant trois ans. Il était temps de repartir en Afrique. Au Malawi ? Il n'y avait jamais pensé ! C'est un pays qui ne fait guère parler de lui. Ancien protectorat britannique, à l'autre bout de l'Afrique, dans la partie sud, il est indépendant depuis 1964. C'est un pays pauvre parmi les pauvres, tout à fait au bas de la liste des pays au revenu misérable. Soixante centimes d'euro par mois par habitant ! Non, vous ne vous êtes pas trompés, vous avez bien lu : trois malheureuses pièces jaunes de vingt centimes par mois et par personne !

Vers les plus pauvres
Le défi est énorme, et cela suffit à décider Christophe à partir, en 2006. C'est plus qu'une tradition chez les Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs) ; c'est leur charisme, leur vocation : aller porter l'Evangile là où il n'a pas été encore annoncé. Aujourd'hui, ce n'est plus dans des pays lointains et inexplorés qu'il faut aller comme autrefois, mais c'est vers les pauvres, les victimes des inégalités et des injustices. Les évangéliser, c'est aller à la source même de leur pauvreté, en discerner les causes pour essayer d'y remédier. L'Evangile met l'homme debout, libre comme le Christ.



Salle de couture du centre social de Kanengo


L'église de Kanengo


Le choeur de l'église


Famille de chrétiens de Kafwafwa


Groupes de jeunes de Kafwafwa


Enfants en train de piler le maïs

Evangéliser en profondeur
Les missionnaires d'Afrique se sont attelés à la tâche depuis des années. Ils ont fondé un "Centre d'ouverture sociale ", et c'est là que Christophe va s'engager. Après quelques mois d'étude de la langue, il intègre l'équipe de missionnaires qui travaille dans ce domaine. Et ce domaine est vaste ! Les Malawites (ou Malawiens, au choix) sont douze millions, essentiellement agriculteurs. Ce petit pays, d'une superficie d'un cinquième de la France pour 12 millions d'habitants, n'offre aucune ressource minière, aucun débouché direct sur l'extérieur ; sa seule richesse, c'est la terre. Le maïs est la culture vivrière essentielle, mais elle est conditionnée par les aléas climatiques ; les récoltes dépendent de la pluie… et des engrais chimiques qu'il faut acheter. Des subventions internationales sont fournies aux paysans, à travers de nombreux intermédiaires. Et c'est là que le bât blesse : la corruption, les influences plus ou moins avouables, les dessous de table sont monnaie courante. L'équipe où Christophe va travailler est vigilante. Ils publient régulièrement des informations, voire des dénonciations, des mises au point, pour éveiller la conscience des citoyens du Malawi. La tâche du missionnaire est comme la conscience du Malawi. La pauvreté n'est pas une fatalité, et l'Evangile rend tout homme libre.

Le panier de la ménagère
La pauvreté se mesure facilement : les ménagères qui vont chaque jour faire leur marché en font l'expérience. Le prix de la farine ou du maïs augmente, comme celui des légumes, du sel et du sucre, mais aussi du pétrole lampant et autres commodités de base. Les missionnaires publient régulièrement les chiffres et les statistiques du " panier de la ménagère ", comparent les prix des biens de consommation courante avec les salaires. Cela incite les responsables à travailler concrètement contre la pauvreté.

La condition féminine
La pauvreté engendre de nouveaux fléaux. Les femmes en sont les premières victimes. Les Malawites voyagent beaucoup dans les pays voisins pour chercher de quoi vivre . Le pays est au carrefour d'autres pays plus prospères : Afrique du Sud, Zambie, Mozambique, Tanzanie. C'est dire que la pandémie du sida n'épargne pas la population. 14?% de la population est affectée. Il n'y a pas une seule famille qui n'ait été touchée dans un parent plus ou moins proche. Conséquence fatale, la prostitution des jeunes filles, voire des enfants. Des proxénètes bien équipés en profitent pour éditer des cassettes video pornographiques qui circulent librement. Des souteneurs font fortune au dépens des étrangères, des immigrées naïves. Les femmes prennent conscience de ce problème. Les chrétiennes sont organisées depuis longtemps au niveau des villages et des paroisses, dénoncent les situations d'exploitation, aident les pauvres filles à retrouver leur dignité. C'est dire la place fondamentale des femmes dans l'évangélisation du Malawi. "La main qui berce le bébé gouverne le monde?", dit un proverbe.

Une Eglise missionnaire
Les missionnaires ne sont pas seuls dans ce travail d'animation ; les diocèses et les paroisses en sont véritablement les chevilles ouvrières, mais ils sont occupés à plein temps par les besoins quotidiens de leurs ouailles. Les missionnaires sont les permanents de cette animation. Ils organisent des rencontres, des séminaires, des échanges, des discussions et des partages ; ils recrutent des leaders, des animateurs qui pourront à leur tour éveiller et provoquer des démarches et des actions.

Dialogue islamo-chrétien
Christophe n'a pas oublié son expérience au Soudan, au milieu des musulmans. Ils ne sont pas très nombreux au Malawi, mais leur influence est croissante. Avec l'aide des pays du Golfe Persique, ils construisent des mosquées et des écoles coraniques ; ils offrent aux jeunes des bourses et des voyages d'étude … à la condition que ces derniers deviennent musulmans. De là surgissent des tensions, des méfiances, des calomnies. Christophe se met à la tâche pour dissiper les malentendus, faire taire les sentiments d'agressivité et susciter le dialogue et la compréhension mutuelle. Les disputes n'aboutissent à rien. L'amitié, la collaboration et l'entente fraternelle seules peuvent conduire à une véritable libération de la société du Malawi.


Le levain dans la pâte
Ainsi l'Evangile, tel un levain dans la pâte, continue son travail : c'est cela la mission. La semence pousse obstinément et déjà la moisson commence à mûrir. Christophe est reparti au Malawi, comme le bon Samaritain sur la route de Jéricho, à la rencontre des amis blessés, abandonnés sur le bord de la route.


Affiche contre le trafic humain commandée pour être imprimée et exposée dans toutes les paroisses du Malawi. On y voit une fille invitée à sortir de la misère de son village pour une meilleure vie à la ville. La dame lui paye le ticket du bus mais elle la conduit dans un bordel et repart avec de l’argent.

Les slogans disent : « Nous ne sommes pas à vendre, le trafic humain est un crime » ; le logo illustre l’interdiction d’égaler argent ($, £,   et MK Malawian Kwacha) et personne humaine. Les explications en-dessous appellent à dénoncer tout acte de vente d’être humain à la police, à l’église ou au Center For Social Concern des Missionnaires d’Afrique.

Voix d'Afrique


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