Voix d'Afrique N° 59

BURKINA FASO - FORMATION


Jean Lamonde (Canadien) responsable de l'année spirituelle
VISITE A BOBO DIOULASSO

L'ANNEE SPIRITUELLE

Autrefois, on l'appelait le Noviciat. Pour moi, c'était il y a cinquante ans, en Algérie d'avant la guerre, à Maison Carrée ; des générations de missionnaires y étaient passées depuis les débuts de la Société. Nos étions une quarantaine, Français, Allemands, Espagnols, Italiens et Suisses : nous faisions nos premiers pas dans la vie communautaire internationale, à la lumière de l'Evangile. Le règlement était très strict : silence et prière, étude et travail. Deux "récréations" par jour, 45 minutes après les deux repas principaux ; le reste du temps, c'était le silence absolu. Deux heures de méditation, travail manuel, étude de la spiritualité et initiation à l'anglais pour les français, et au français pour ceux qui en avaient besoin. Tous les repas étaient pris en silence, sauf pour Noël et pour Pâques, et deux ou trois festivités spéciales où nous avions "deo gratias" (après la lecture de quelques versets de l'Evangile du haut de la chaire du réfectoire, le maître des novices dépliait sa serviettes en proclamant "deo gratias", nous permettant ainsi de parler !). Une fois par mois, chaque novice rencontrait son directeur spirituel.


Dans la chapelle, le groupe des étudiants (Michel Villalon au centre)
en arrière plan Hans-Joachim Lohre, formateur

Depuis cette "époque", bien de l'eau a coulé sous les ponts du Niger ou du Zambèze. On parle désormais de l'année de formation spirituelle. Les candidats à la vie missionnaire sont appelés à Kasama, en Zambie, et à Bobo Dioulasso, au Burkina Faso : c'est ce dernier centre que j'ai visité en décembre dernier. Il me tardait vraiment d'y revoir quelques jeunes que j'avais bien connus à Arusha, au séminaire de 1er cycle : Andrew et Amos, Jones et Charles, John et Christian, Zambiens et Tanzaniens.

A 7 km de la ville, on quitte la grande route pour prendre la piste le long de quelques villages de cases au toit de chaume. Derrière le mur d'enceinte, les constructions sont tout sauf imposantes : une petite chapelle hexagonale, au milieu de quelques maisons relativement modestes, une salle à manger et salle commune, une salle de classe, une cuisine et un garage. On est loin de l'impressionnante façade de Maison Carrée avec ses longs alignements de fenêtres sur deux étages de chaque côté du clocheton de la chapelle. Ici, les étudiants vivent répartis en trois équipes de cinq ou six avec un formateur ; ils se rencontrent régulièrement pour les prières communautaires, des partages ou simplement pour échanger nouvelles et impressions.

Michel Villalon (voir n° 57) est le plus âgé du groupe, formateurs compris. "Ça baigne !" me confie-t-il. "Pour la première fois de ma vie, je n'ai pas d'autre projet que moi-même ; pas de travail à fournir, pas d'examen de fin d'année ; je ne m'occupe que de moi-même, me souvenir de mon passé, approfondir mes désirs, prendre conscience de mes joies et de mes frustrations cachées , vivre à fond mes rencontres avec mes compagnons d'aventure spirituelle, ces jeunes (j'ai l'âge de leurs pères !) venus de tous les coins d'Afrique ; quel luxe !"


Travail manuel avec Staff Campforts, un des formateurs.

Chacun organise sa vie de prière : une heure de méditation silencieuse quotidienne. Les études et les conférences sont centrées sur la connaissance de soi, sur la vie spirituelle missionnaire, sur l'Evangile, l'histoire des missionnaires d'Afrique. Un formateur est leur disposition pour un travail de mémoire et d'analyse sur l'histoire et le désir de chacun ; chaque semaine ils partagent ce qui fait leur vie de prière, leur cheminement à la suite du Christ, d'après la pédagogie des Exercices de St. Ignace.

Ils vont régulièrement visiter les malades et les prisonniers ; ils rencontrent des jeunes handicapés dans un centre de l'Arche. L'entretien de la maison, le jardin et l'environnement sont entièrement à leur charge : ils y consacrent quelques heures chaque semaine. Et puis, ce ne serait pas l'Afrique s'il n'y avait pas le foot-ball : ils se mesurent avec d'autres équipes locales avec quelque succès.

Le silence n'est pas imposé comme c'était de règle "de mon temps" ; il est librement accepté, car tous ces jeunes ont beaucoup à vivre intérieurement, beaucoup à découvrir et à 'digérer'. Au fil des semaines et des mois, le véritable désir profond de chacun devient plus clair et s'approfondit ; les motivations deviennent plus simples : c'est là tout le travail de discernement à la lumière de l'Esprit. " Qu'est-ce que je veux vraiment ? Quel est le désir de Dieu pour ma vie ? "


Voir d'autres photos de la maison de formation

Année spirituelle
01 B.P. 442, Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso
Tel : (**226) 97 07 90
E-mail : nov.mafr@fasonet.bf

Michel, Andrew, Christian, Amos et les autres commencent déjà à rêver à l'étape suivante : le stage dans une communauté missionnaire. Où ? Ils sont invités à exprimer leur désir mais restent disponibles : le Congo ou le Maghreb, le Mali ou la Tanzanie, l'Afrique du Sud ou le Soudan : les horizons ne manquent pas, largement ouverts pour l'aventure.

Je me souviens encore de mon ancien "noviciat", sans nostalgie ; la formation d'aujourd'hui, telle qu'elle est vécue à Bobo prépare mieux peut être que "de notre temps" à la vie missionnaire. Les jeunes missionnaires sont comme nous, autrefois, assez naïfs et inconscients, et c'est bien ainsi ; ils ont en plus une profondeur de discernement qu'ont ne peut s'empêcher d'admirer. Une nouvelle génération de missionnaires d'Afrique se lève !

Gérard Guirauden
Missionnaire d'Afrique