Missionnaires d'Afrique
France
Bernard Laur, Toulouse,
50 ans de sermentTout mon cur
pour chanter Dieu !
Septième dune famille de 9 enfants, 7 garçons et 2 filles dont une religieuse et 4 prêtres (2 Pères Blancs, 2 Clercs de St Viateur), tous les 5, missionnaires en Afrique ou Amérique du Sud, je suis né en Aveyron le 21 juillet 1934. Dès lâge de 5 ans, lorsque quelquun me demandait : « Quest-ce que tu feras quand tu seras grand ? », je répondais invariablement : « Je veux être curé ! », si bien quà la fin de lécole primaire, je suis entré au Petit Séminaire près de Rodez, bien décidé à devenir prêtre.
![]()
Les 4 frères prêtres autour du curé de Louc, leur paroisse dorigine.
À 17 ans, pendant les vacances dété, jétais en train de ramasser des pommes de terre dans le champ de mon père, lorsque cette pensée me vint subitement : « Et si je devenais missionnaire » Depuis ce moment, ce désir ne ma plus quitté. Après la Philo au grand séminaire de Rodez, je suis entré au noviciat à Maison Carrée en septembre 1954. Un an plus tard, cest larrivée au Scolasticat de Thibar. En mars 1956, départ pour le service militaire qui va durer 30 mois à cause de la guerre dAlgérie. Ce que jai apprécié durant cette longue période, cest lesprit de camaraderie et le contact avec des jeunes venant de tous milieux. Venant dun séminaire, milieu plutôt fermé, le service militaire a été pour moi de loxygène.
À Carthage, en janvier 1961, les diacres sommes partis dans nos diocèses dorigine pour y être ordonnés prêtres. Deux semaines plus tard, cétait le retour à Carthage pour six mois.
Début :professeur
dans un petit séminaire
Lorsque les jeunes prêtres ont reçu les nominations, je nétais pas sur la liste Je vais voir le supérieur du scolasticat qui ne sen était pas aperçu Télégramme au Conseil Général à Rome : me voilà nommé au petit séminaire de Koudougou, en Haute-Volta. Au bout de deux ans, jai demandé au Régional et à lévêque de Koudougou daller apprendre une langue et cest Réo qui maccueillit pour apprendre le lyélé. Au bout dun an, lévêque vint me voir à Ténado, succursale de Réo, pour me dire : « Père Laur, voilà deux mois que je prie chaque jour pour vous (aïe, quest-ce qui va suivre), je viens vous annoncer que vous êtes nommé à nouveau au petit séminaire de Koudougou et je vous demande dy être la semaine prochaine. » À lépoque, le mot dialogue nexistait pas, encore moins son contenu. Ce fut un arrachement.
.
![]()
1969, à Léo, Bernard apprivoise un éléphanteau et en 1985.messe à La Toden
Après trois mois, des maux dyeux me poussent à aller voir le Père Goarnisson (Docteur Lumière) qui me dit : « Si ce que vous avez continue, vous risquez de devenir aveugle. » Fini la correction des copies et me voilà nommé vicaire à la cathédrale de Koudougou avec comme premier travail dapprendre le möore. En juillet 1967, notre nouvel évêque me nomme à La Toden dans le nord du diocèse. Un an plus tard, nouveau déménagement : nommé à Léo, tout au sud du diocèse, à la frontière du Ghana. Dans ce territoire gourounsi, les migrants mossi sont déjà nombreux (le möore me sera donc très utile) mais il sagit dapprendre la langue des nuna, le nuni. Pour ce faire, mes instruments pédagogiques seront la mobylette, un carnet, un bic et la pipe ! Immense paroisse de 13 000 km2, soit la moitié du diocèse de Koudougou. Les tournées les plus longues duraient une semaine, totalisant 700 km au compteur de la 3 CV.
En mai 1973, étant en congé en France, le Provincial me propose une année de recyclage, soit les 30 jours de retraite ignatiens chez les jésuites à Clamart, suivis dune année de cours à lInstitut Catholique de Paris. À 40 ans, après 12 ans de mission, cette retraite et ces cours me faisaient dire en fin dannée scolaire : « Voici que je vois toutes choses nouvelles. » En juillet 1974, je suis à nouveau nommé à Léo, mais pour un an seulement puisquen juin de lannée suivante, mon évêque me nomme aumônier des collèges et lycées de Koudougou, soit 4 établissements secondaires.
Mais voilà-t-il pas que des problèmes de santé mobligent à rentrer en France en principe pour quelques mois qui vont se prolonger à Toulouse pendant 5 ans pour lanimation missionnaire dans 12 diocèses. Cest un ministère que je naurais jamais demandé, mais qui ma passionné ; nous étions une équipe interinstituts qui répondait aux demandes des diocèses, des paroisses et des établissements scolaires. Ce séjour sest terminé par une session retraite de trois mois à Jérusalem.
Chez les peuls
En octobre 1983, je suis nommé à nouveau à La Toden, 15 ans après le premier séjour. En 1968, lorsque je disais aux paroissiens de La Toden que les missionnaires sont des nomades, des peuls, pour leur annoncer que jétais nommé à Léo, un vieux ma dit : « Le peul amène son troupeau, toi tu nous laisses ici, mais peut-être quun jour tu reviendras. » Le vieux avait donc prophétisé !
En 1989, suite au décès dun Père Rédemptoriste qui était seul à Dori dans le diocèse de Fada NGourma, lévêque de ce diocèse a demandé à notre Provincial du Burkina une communauté de Pères Blancs. Celui-ci a fait appel au volontariat et cest ainsi quavec 4 autres confrères, jai fait la découverte de cette région sahélienne essentiellement peuplée de peuls éleveurs, musulmans. Nous nous sommes lancés dans lapprentissage du fulfuldé. Un vieux peul comprenant un peu le français nous aidait dans les débuts. Voici un bref extrait dune rencontre : « Comment dis-tu : jaime le lait ? Il traduisait. Maintenant, comment dis-tu : je naime pas le lait ? Et le vieux de répliquer avec sérieux : Cela nexiste pas ! » Évidemment, nous nétions pas dans le même registre !
En avril 1992, un nouvel accroc de santé ma obligé à rentrer en France pour des soins médicaux qui ont duré un an et demi ; jai réappris à marcher comme un bébé en me demandant comment les gens faisaient pour avancer sans souffrir.
De retour au Burkina en septembre 1993, le Provincial ma nommé à Bobo pour lanimation missionnaire et vocationnelle. Faisant partie de léquipe daumônerie des collèges et lycées, jétais très en contact avec les jeunes. Parmi eux, une quinzaine venait une fois par mois dans notre communauté pour une récollection, un accompagnement, en vue dentrer peut-être un jour chez les Pères Blancs. Cest une de mes grandes joies de voir que, parmi ces jeunes que jai accompagnés, une douzaine sont devenus Missionnaires dAfrique.
Assistant provincial
en France
En mai 2002, japprenais quil métait demandé de revenir en France pour faire partie de léquipe provinciale. Ainsi, pendant 6 ans, il ma été donné de visiter les différentes communautés de la Province. Que de fois jai loué le Seigneur pour ce que les confrères mont partagé dans les rencontres.
En septembre 2008, jétais de retour à Bobo à lAnnée Spirituelle à Samagan. Cest ainsi que jai commencé mon deuxième noviciat, 54 ans après le premier. Vous avez pu lire dans Voix dAfrique de décembre 2009 ce que nous y vivons. En septembre dernier, jai commencé mon troisième noviciat ! Ne pensez-vous pas que cela suffit ?
Ces 50 ans de serment minvitent à jubiler et il y a de quoi. Jaime beaucoup ce refrain : « Magnifique est le Seigneur, tout mon cur pour chanter Dieu, magnifique est le Seigneur ! »
Bernard Laur
Voir Photos Année Spirituelle de Bobo-Dioulasso Voir notamment 2009