Voix d'Afrique N°89.

Catherine Herrmann
AAPB

 

DEUX SEMAINES AU MALI


En 2009, les Missionnaires d’Afrique m’avaient invitée pour l’inauguration de la chapelle de Sala, la Fédération des Associations des Amis des Pères Blancs ayant contribué à sa construction. J’avais promis d’y aller. Promesse tenue en 2010. Le P. Laurent Balas et Hervé, un jeune stagiaire, m’attendent à l’aéroport. Nous partons pour Konatebougou, un quartier au nord de Bamako, à 8 km du centre ville. En traversant la ville déjà plongée dans la nuit, je peux apercevoir l’imposant Niger.

La Mission de Konatebougou ressemble à un gros bloc beige, surmonté d’une terrasse. La maison est agréablement entourée d’arbres magnifiques peuplés d’oiseaux chanteurs.

Le lendemain, je sors avec Hervé pour découvrir un peu le quartier, avec l’inévitable traversée du marché, et nous parlons un peu avec les voisins, après une présentation sommaire. Nous nous rendons ensuite à la maison d’accueil où je fais la connaissance des Pères très ac-cueillants qui y séjournent. Nous partons vers la cathédrale, sa-luons les amis du Père Laurent.

En marchant un peu dans la ville, il me semble que, dans certains quartiers, la misère s’est installée et que les gens s’en accommodent. Chacun joue son rôle : le petit dort sur le dos de sa maman, la femme, âgée ou jeune, balaie, lave, vend quelque chose, ou cuisine... Mais, pareille à Cendrillon, elle fait tout cela avec un port de princesse. Elle se rit des flaques et des déchets, elle passe au milieu, enveloppée dans son pagne coloré et assorti à son turban. L’homme, assis de-vant sa boutique ou dans son taxi, écrasé par la chaleur, attend le chaland. Un bonjour, un salut, provoque immédiatement un contact facile. C’est surtout le cas avec les jeunes enfants qui ont envahi la rue avec un ballon pour jouer et apprendre la vie. Ils sont beaux, et si gracieux et souriants !

Malgré tout, les premiers contacts avec la ville me laissent perplexe : toute cette foule où la pauvreté se remarque vite, ce cocktail de bruits avec les motos, les camions, les taxi-brousse, et les odeurs d’essence, de fumées, dans ces rues où des vieilles Mercedes jaunes croisent des charrettes tirées par des ânes, au milieu d’un grand nombre de deux roues qui vont dans tous les sens...

Ces premières impressions s’estompent vite dès qu’on ren-tre en contact avec les gens. On les sent heureux d’accueillir une autre personne, la remerciant de sa visite, s’inquiétant de sa santé. Que de délicatesse !
Le Père Laurent, pourtant pris par de multiples tâches, n’a pas ménagé sa peine pour me faire découvrir ce pays qu’il aime tant. La chaleur est supportable, mais les ventilateurs sont bien appréciés quand nous regagnons la Mission.

Faladje est le but de notre prochain déplacement. Quel plaisir de traverser un paysage aux contrastes si forts : un ciel bleu, beaucoup de verdure et la piste rouge. Nous apprécions le grand calme après l’atmosphère bruyante et trépidante de Bamako. Nous arrivons en même temps qu’une pluie fine dans l’ancienne Mission tenue par les Pères Robin, Martinez, Bonfanti et Drani.

La paix règne ici, troublée seulement par les “pies métalliques“ (sorte d’oiseaux noirs, très criards, à longue queue et au plumage à reflets métalliques), et le soir, par le groupe électrogène. Le matin, la petite cloche tinte très tôt pour rassembler les fidèles pour les laudes et la messe. Je consacre une partie de la matinée pour planter des eucalyptus avec le Père Martinez ; je visite ensuite le marché (c’est presqu’obligatoire en Afrique de l’Ouest lorsque vous arrivez quelque part). Puis, ce que j’apprécie toujours beaucoup, contacts avec des paroissiens, avec des malades. Dans l’après-midi et la soirée, le Père Michel m’invite à voir ses archives : de nombreux documents passionnants sur l‘histoire, la géographie, la pluviométrie. Je puis ainsi mieux comprendre diverses situations. J’ai aussi l’occasion de parler 5 minutes à la radio qui fonctionne le soir. Là, j’ai pu donner la raison de ma venue à Bamako et j’en ai profité pour remercier tout le monde pour leur accueil remarquable et si charmant.

Le lendemain, le Père Michel m’emmène voir une église, le der-nier barrage construit et visiter encore quelques familles. À cha-que fois, je suis frappée de voir comment des familles aiment re-cevoir un étranger et parler avec lui...
Nous rentrons sous une pluie battante avec le sourire et la bonne humeur.

Pour le 15 août, avec les Pères de la maison d’accueil, nous allons participer à la messe à Koulikoro où le Père Laurent est curé. La messe est magnifique, ponctuée de chants anciens et nouveaux (pour moi) et clôturée par des danses. C’est priant et très vivant. Les africains “vibrent” davantage que nous à la musique, me semble-t-il !
Nous repartons joyeux vers la capitale en nous arrêtant près du nouveau pont construit sur le Niger par les Chinois.

Enfin arrive la possibilité d’aller vraiment “dans la brousse” en allant à Nioro du Sahel (450 km de Bamako). Je me retrouve dans un autre cadre. La Mission dont le Père Albéric est responsable comprend un grand bâtiment, l’église, des garages, la citerne d’eau, et même un poulailler avec canards, coq, poules et poussins, volatiles se promenant dans la cour toute la journée en attendant la dernière étape : la cuisine. Des travaux d’amélioration viennent de se terminer, aussi nous utilisons les divers matériaux laissés sur place pour remblayer les trous de la rue devant la maison. Le Père Albéric m’a fait visiter tous les quartiers, les administrations, un dispensaire. Nous sommes aussi (bien sûr !) allés au marché.

J’étais très à l’aise dans cette Mission, j’ai pu jouer avec les enfants, vivre au rythme des Pères Blancs dans une ambiance chaleureuse et gaie. J’éviterai de m’étendre sur le retour à Bamako dans un bus bondé, pendant 7 h. 30. J’essaye d’y voir “une expérience”, mais l’expérience a quand même été un peu pénible...

Le Père Bipendo m’a invitée à visiter le Musée de Bamako et le Musée municipal, puis nous avons déjeuné à l’Institut de Formation Islamo-chrétienne, là où il enseigne. C’était passionnant. Heureuse de rentrer, quand même, en France après ces deux semaines chargées de toutes sortes d’émotions, pour retrouver ma famille.....et d’autres Pères Blancs.

Au moment où j’achève ce texte, en repensant à ce voyage de 7 h. 30 dans ce bus bondé, en particulier, à toutes ces femmes qui étaient là avec leurs très jeunes enfants, et tous les paquets qu’elles devaient apporter, ces femmes qui vivaient tout cela si calmement, je sens qu’un sentiment de douce sérénité m’envahit.

Oui, il me restera de ce voyage une riche expérience et de bons souvenirs.


Madame Catherine Herrmann
E-Mail: fedaapb@wanadoo.fr


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