Missionnaires d'Afrique
France

Session de formation continue du Secteur France, Mours, le 9 mai 2012

Saint Paul .............................
........................ sa manière d’être apôtre

 

Le Secteur de France avait organisé une Session de formation continue, à Mours, du 7 au 10 mai sur le thème
La pertinence de la foi chrétienne et l’urgence de la proposer.

Le conférencier, le Père Marc Rastoin, sj, a paticulièrment fait montre d’une maîtrise exceptionnelle du milieu judéo-gréco-romain de la Méditerranée au premier siècle de notre ère dont voici quelques aperçus :

Comment Paul propose-t-il le Christ
dans sa méthode d’évangélisation ?

P aul est le seul pharisien de cette époque dont on a des textes sûrs. Le judaïsme exerce une forte puissance attractive sur les gens de l’époque, les prosélytes et les convertis sont nombreux. En conséquence les juifs représentent une minorité très importante dans l’empire romain : 8 à 10% dans l’empire et 33% à Alexandrie.

Tarse est une ville importante, la quatrième de cette région d’Asie. Il y a une école de philosophie réputée de tendance stoïcienne.

Comment Paul est-il devenu citoyen romain ? Il faut faire le parallèle avec deux juifs célèbres de son époque : Phylon d’Alexandrie et Flavius Josèphe. Phylon se rallie à Rome, mais son neveu, contemporain exact de Paul, est encore plus intéressant. Il apostasie le judaïsme, célèbre les cultes romains et va être nommé intendant des armées romaines en Syrie et Palestine. C’est lui qui assurera toute l’intendance des armées de Titus pour le siège de Jérusalem.

C’est probablement par le grand-père de Paul que sa famille a acquis la citoyenneté romaine. On pouvait l’acquérir en rendant service à l’Empire. Et comme le métier de Paul était de fabriquer des tentes, son grand-père a dû négocier un marché pour équiper en tentes l’armée romaine d’Asie. Puis le métier s’est transmis dans la famille.

Dans les Actes et dans les Galates on voit que Paul a eu parfois de la difficulté à faire reconnaître sa citoyenneté. Il a reçu des coups de fouet, dont les citoyens romains étaient exemptés. Certains ont argué de cela pour dire Paul n’était pas citoyen romain. Mais, à cette époque, il n’y avait pas de pièces d’identité et pour se faire reconnaître il fallait présenter des témoins fiables. Paul n’a probablement pas toujours trouvé sous sa main les témoins voulus pour attester de sa citoyenneté.

Paul s’appelait originellement Saül : c’était normal puisqu’il était de la tribu de Benjamin comme le roi Saül. Pourquoi, à un moment dans les Actes des Apôtres, passe-t-on du nom de Saül à celui de Paul ? Paul avait certainement deux noms, comme beaucoup de juifs (et de romains) à cette époque, et même aujourd’hui : Saül et Paul.

Il y a deux théories : l’une pour dire que Paulus était un nom romain passe-partout plus pratique pour aller chez les païens, l’autre plus spirituelle puisque Paulus = petit.

Qu’en est-il de cette fameuse “écharde dans la chair” pour laquelle Paul a prié trois fois pour en être délivré et à quoi le Seigneur lui a répondu “Ma grâce te suffit” ? On n’a aucune certitude, toutes les hypothèses les plus farfelues ont été émises. Ce qu’on pense pouvoir dire, c’est que Paul n’était peut-être pas d’aspect très engageant. Il avait été lapidé trois fois, roué de coups à moult reprises, malmené sur tous les côtés, il était certainement couturé de cicatrices et peut-être déformé suite à des fractures. Il aurait peut-être désiré être d’aspect plus présentable pour mener son apostolat.

(Il y a un autre mystère : pourquoi Paul ne parle jamais de Jésus dans ses épîtres authentiques. On y note simplement trois citations.)

Traits caractéristiques
de l’évangélisation
selon saint Paul

Pas d’évangélisation sans
une expérience personnelle du Christ.

Paul n’est pas témoin de la résurrection selon les Évangiles, mais « il est apparu à moi aussi ». Et Paul base son titre d’apôtre sur cette apparition privée.

Que s’est-il passé sur le chemin de Damas ? La vision a été très auditive, puisque les suivants ont entendu un grand bruit. Mais qu’a donc pu voir Saül ? Il a vu un homme dans la gloire, mais il ne le reconnaît pas, parce que Saül n’a jamais rencontré Jésus vivant. C’est la voix qui lui dit que c’est « Jésus que tu persécutes ». Paul ne cherche pas à se glorifier de cette vision, il ne le fait que quand il est forcé de se défendre. Il décrit alors cette apparition comme une vocation à la manière de Jérémie. Il est ravi jusqu’au troisième ciel, il s’agit d’une extase. Paul a fait une expérience très personnelle du Christ : « Il s’est livré pour moi ». Et elle est nourrie par la prière : expérience en Christ.

Sa mission est l’annonce de la foi. La foi passe par un lien affectif avec l’apôtre qui instruit. C’est un lien de paternité très fort. Appolos est un apôtre comme lui, mais Paul n’a rien à lui dire. Il fait son chemin de son côté.

Pas d’évangélisation
sans intelligence.

On est très axé sur l’intelligence de Paul et on oublie trop l’aspect affectif. Il faut revenir à l’enseignement classique de la rhétorique pour l’art oratoire afin de convaincre son auditoire : Ethos, Logos, Pathos - Ethos = être crédible lorsqu’on parle, montrer qu’on enseigne la vérité ; Logos = avoir un propos intelligible et intelligent ; Pathos = veiller au lien humain qui lie l’auditeur au locuteur.

Paul argumente, il fait valoir toute sa culture. Il utilise des images classiques. Il prouve la résurrection par des arguments simples. Il cherche à convaincre. Mais quand il arrive au cœur du message, il étonne le lecteur par des paradoxes qui montrent que la raison ne peut pas rendre compte de toute la vérité chrétienne. Le langage humain ne peut pas rendre compte du cœur de la révélation.

Pas d’évangélisation sans un réseau de fidèles collaborateurs.
C’est parce que Paul avait un réseau de fidèles collaborateurs qu’on a pu avoir ses lettres, parce que ce sont eux qui les ont gardées. Eux aussi ont dû reprendre ses enseignements pour rédiger les six lettres qui ne sont probablement pas entièrement de sa main.

Paul n’est jamais seul, il sait choisir ses collaborateurs, il les fait valoir auprès des autres, en particulier à ses lecteurs dans ses lettres. Il les dynamise comme Priscile et Aquila. Ceux-ci vont le lui rendre en le sauvant au péril de leur propre vie à Éphèse.

Il anime et soutient les compagnons de sa mission. Il avait le génie de l’animation missionnaire, en particulier avec Luc (cf. les Actes).

On ne peut pas dissocier Pierre et Paul.

Pour Paul, la foi passe par les gens (fides ex auditu), il importe donc que la communion entraîne l’auto-confrontation pour vérifier la solidité de la doctrine.

Pas d’évangélisation
sans solidarité financière.

Il y a un mystère : Pourquoi Luc ne parle-t-il pas de la collecte pour la communauté chrétienne de Jérusalem, alors que cette collecte occupe une grande place chez Paul et que c’est la raison première de sa montée à Jérusalem. Pour Luc, Paul est comme Jésus, il monte à Jérusalem pour y être injustement condamné et pour y témoigner, même s’il mourra finalement à Rome.

Luc est très sensible à la gratuité des ministères, toute la vie de Jésus est conçue sous l’angle du don. La communion spirituelle ne peut pas être séparée de la communion matérielle. Luc a raison, car Paul ne monte pas à Jérusalem seulement pour y porter de l’argent, il y monte pour une raison de communion. Il a la même mission que les apôtres de Jésus, et pourtant il a là-bas beaucoup d’ennemis. Pour Paul le principe du don est essentiel.

Dans 1 Cor 16, nous voyons qu’il s’agit d’un vieux projet : les pauvres sont les chrétiens de Jérusalem. Dans les communautés de Paul, il y a de riches notables. Il veut y envoyer des gens, il ira peut-être chez eux.

Comme il s’agit de grosses sommes en pièces de monnaie, il faut beaucoup d’hommes pour les porter. Pour éviter les contrôles et les taxes douanières au départ et à l’arrivée dans les ports, il peut invoquer le prétexte qu’il s’agit d’une collecte pour le temple de Jérusalem.

La collecte, chez Paul, est un sacrement. Elle montre que les communautés pagano-chrétiennes forment une même communauté avec les judéo-chrétiens. La collecte est le signe visible de cette communion.

Le vrai motif de cette collecte est christologique, car la vie de Jésus est un don. Les envoyés sont la gloire du Christ.

Paul veut mettre au défi les collaborateurs de Jacques d’oser refuser sa collecte, car certains avaient émis l’objection qu’ils ne pouvaient pas recevoir quelque chose de pagano-chrétiens.

Pas d’évangélisation
sans communion avec Pierre.

Paul fait vérifier son évangile par Pierre. La communion avec l’église de Jérusalem est une nécessité absolue. Ses révélations personnelles ne sont pas pour lui des décisions ultimes. Dans l’épître aux Romains, Paul montre aux judéo-chrétiens qu’il est dans la bonne voie. En effet cette lettre est écrite pour les gens de Rome, mais il y a l’arrière pensée qu’elle soit lue aussi à Jérusalem, et ainsi il argumente pour qu’il y ait entre tous une parfaite communion.

Pas d’évangélisation sans reconnaître la sagesse de l’humanité,
mais pas sans critique de la pensée du monde.

Dans Co 4,8 : « Tout ce qu’il y a dans de bon dans le monde vient de l’Esprit. » Nous pouvons donc parler un certain langage avec le monde, mais malgré tout il faut dénoncer le péché du monde.
Il y a tension entre la théologie de la création et la théologie de la révélation. Mais le discours apocalyptique est valable, car c’est le prince de ce monde qui gouverne le monde. Dieu a créé le monde et donc le monde a de la valeur. Il faut vivre la morale chrétienne avant de l’enseigner, mais il y a difficulté à vivre la morale chrétienne dans le monde, car la morale civile ne coïncide pas avec la morale chrétienne.
Paul reste habituellement dans le général, il ne rentre pas souvent dans les détails.

Pas d’évangélisation sans prière.
Paul ouvre des fenêtres sur sa prière personnelle, mais il met en valeur la prière communautaire.
1 Th. : « Nous prions nuit et jour ».
2 Co 11, nous donne un aperçu de sa vie spirituelle. Paul est aussi homme d’ascèse.

Pas d’évangélisation sans humilité.
Paul connaît ses faiblesses et se considère toujours en chemin. C’est un exemple d’équilibre. Il se projette dans le futur. Se convertir, c’est se considérer comme devant toujours se convertir.

Paul est toujours en action de grâce pour le chemin parcouru, mais il oublie tout pour aller de l’avant. Paul était toujours en chemin et ne pensait pas être un saint.

Paul est plus ascète que Jésus. Ses faiblesses ne le découragent pas : « Je trouve ma force dans mes faiblesses. » C’est le paradoxe de la croix. 2 Co 12. Les signes distinctifs de l’apôtre sont : patience, constance…

Conclusion :
Il faut compléter l’image de Paul super-évangélisateur par celle de l’homme affectueux et très humain. Un esprit ferme et un cœur tendre. Une intelligence aiguë et une immense compassion.
Dans ses écrits, il y a le paradoxe de la croix, il reproduit dans sa vie le parcours de Jésus. Ce qu’il a vécu, il l’a enseigné.

Notes prises par Paul Marioge M.Afr
lors de la session de Mours,
sur l’exposé du Père Marc Rastoin sj.,
professeur d’Écriture Sainte à la Grégorienne

Saint Paul sur les routes du monde romain :
Infrastructures, logistique, itinéraires
Auteur : Chantal Reynier Édition Cerf, 2009, 293 pages, 22,00 €

Voyager ne va pas de soi dans l'Antiquité ! Or saint Paul a beaucoup voyagé. Pour ce faire, il a naturellement utilisé les moyens de transport et les infrastructures tant routières que maritimes de son époque. Et c'est d'abord un tableau vivant des échanges et des voyages dans le monde romain du Ier siècle de notre ère que propose l'auteur. Les témoignages contemporains de Paul et les découvertes les plus récentes de l'archéologie et de l'historiographie permettent d'éclairer les sources documentaires traditionnelles (Actes des Apôtres et lettres de Paul). Chantal Reynier reconstitue les voyages de l'Apôtre, la façon dont il se représentait l'espace en fonction de sa culture romaine, et elle nous met devant les choix qu'il eut à faire. Développant ses voyages par cercles concentriques vers l'extrême Occident, ce n'est pas par hasard que Paul choisit les carrefours routiers ou les grandes cités maritimes pour s'installer et fonder des communautés !

Le suivre dans ses expéditions, s'arrêter avec lui, c'est saisir sur le vif la manière dont s'est constitué et organisé le christianisme. Cet ouvrage est actuellement le seul en français à étudier scientifiquement les voyages de Paul en eux-mêmes. Et ce n'est pas son moindre mérite que d'accroître de façon non négligeable notre connaissance des techniques de navigation et des représentations de l'espace au 1er siècle.