NOTICES BIOGRAPHIQUES
Père LOUIS VERNHET
...Louis
est né le 5 Juin 1940 à Tripiers dans la Lozère, au milieu
des garrigues et des troupeaux de brebis entre les gorges du Tarn et la Jonte.
Il est toujours resté très attaché à sa belle
région natale.
Il a rencontré l'Afrique à l'occasion de son service militaire
en Algérie. Il est entré au grand séminaire de son diocèse
puis a fait sa demande d'être admis chez les missionnaires d'Afrique,
se sentant appelé à être missionnaire au Sahara, auprès
des musulmans. Il fait son noviciat à Gap en 1965, avant de reprendre
ses études de Théologie à Vals, où il prononça
son serment le 26 Janvier 1968. Il sera ordonné prêtre à
Tripiers le 21 juillet 1968. Durant toute sa formation on n'a eu qu'à
se féliciter d'un tel candidat.
Voici l'appréciation de son maître de novice, le
père Longin : " Homme de prière, d'écoute, de réflexion,
profitant pleinement de cette année spirituelle. Grande générosité
; très ouvert à l'égard des autres novices et bonne influence
à leur égard. Beaucoup d'humour. Bonne participation dans les
différents services du noviciat. Sportif, aimant les longues randonnées
les jours de détente. Excellent novice, prometteur pour l'avenir ".
Il avait commencé à apprendre l'arabe, mais à
sa grande surprise, lui qui avait pensé aller au Sahara, reçut
sa nomination au Congo Kinshasa, à la capitale même.
Après un stage de trois mois pour apprendre le lingala, langue parlée
à Kinshasa, il est nommé vicaire à la nouvelle paroisse
Saint Etienne de Kisenso, quartier de " Kin ".
La première résidence est très pauvre :
une salle d'accueil et de séjour, une chambre, une cuisine et une salle
d'eau. Pour sa première nuit, Louis s'installe entre un fauteuil et
un divan qui lui servira de lit. Il case ses cantines dans le couloir. Le
curé lui dit " On t'attendait pour agrandir la maison. Tu n'as
jamais fait de construction ? Ne t'en fais pas, tu apprendras sur le tas ".
De fait, Louis est devenu un grand constructeur. On disait de
lui qu'il avait mangé une brique. Il a su former une équipe
professionnelle de maçons, de menuisiers, avec laquelle il a construit
de très nombreuses églises, écoles dispensaires et autres
bâtiments.
En 1977, il est nommé curé de la paroisse de Livulu.
En 1982 il est nommé conseiller de la région,
représentant le secteur Kinshasa. Ce secteur qui dépendait avant
de la région du sud-est Zaïre, a été rattaché
à la région de l'Ituri.
Louis est donc resté 20 ans en paroisse à Kinshasa.
Ce qui le caractérisait, c'était sa générosité,
le don total de sa personne à la mission. Il pouvait dire avec saint
Paul : "Annoncer l'Évangile pour moi, n'est pas un motif d'orgueil,
c'est une nécessité qui s'impose à moi. Malheur à
moi si je n'annonce pas l'Évangile ".
Il accordait beaucoup d'importance à la formation des laïcs :
responsables des communautés de base ou des différents mouvements.
Il prêchait retraites et récollections aux religieuses, qui appréciaient
beaucoup ses instructions. Elles aimaient travailler sous sa conduite car
il savait faire confiance à ses collaborateurs.
Ses homélies à la messe étaient très vivantes,
toujours bien préparées. Une bonne connaissance de la langue
et de la mentalité des gens, lui permettait au cours de ses homélies
d'interroger, de faire réagir. Ses paroissiens aimaient l'écouter,
pas question de dormir quand il prêchait.
Louis aimait les belles liturgies en rite zaïrois. Il était
rayonnant de joie quand, coiffé de la coiffure traditionnelle des chefs,
comme le recommandait le rite zaïrois, il tournait au tour de l'autel
avec les servants, chantant et dansant, tout en balançant son encensoir
qui remplissait le chur de la fumée d'encens. Sa joie était
de sentir ses paroissiens tous unis dans la prière, l'action de grâce
et la joie. Une messe pouvait durer près de deux heures.. personne
n'était fatigué.
Il faut dire que Louis était très aimé
de tous, de ses confrères d'abord, mais aussi des surs et de
tous les paroissiens, et cela à cause de sa générosité,
de son zèle, de sa joie communicative aussi.. Disons à cause
de sa charité : toujours accueillant, souriant, il mettait en pratique
l'enseignement de Saint Paul dans l'épître aux Corinthiens "
L'amour prend patience, l'amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne
pas, il ne s'enfle pas d'orgueil, il ne s'irrite pas ". C'est le portrait
de Louis.
Aimé de ses paroissiens, il était aimé
et respecté de ses confrères. Sa gaîté, son humour,
sa façon de
faire confiance à ses collaborateurs ont fait que tout naturellement
il a été choisi comme représentant de ses confrères
au conseil régional. Louis n'était peut-être pas ce que
l'on appelle un intellectuel, mais sa sagesse, sa générosité
et son bon sens l'ont fait remarqué par le Cardinal Malula qui l'a
choisi comme conseiller, et aussi par nos supérieurs à Rome
qui lui ont rapidement confié de grandes responsabilités.
En avril 1988 il est nommé à l'animation missionnaire à
Lyon, mais il n'a pas eu le temps de s'y rendre, car il a été
aussitôt nommé supérieur régional de l'Ituri, à
Bunia. Il exercera cette fonction pendant deux mandats, de 1988 à 1994,
à la grande satisfaction de tous. Il savait écouter, encourager
ses confrères. D'une robuste santé, il visitait régulièrement
les différentes communautés. Il y avait d'abord celles de l'Ituri,
des diocèses de Bunia et Mahagi, puis celles de Kisangani à
700 kilomètres de Bunia, et de celles de Kinshasa à près
de 2000 kilomètres.
Il a eu à affronter les mauvaises routes de l'Ituri,
et les très nombreux passages de rivières sur deux troncs d'arbre.
Lors d'une visite qu'il avait faite en Ituri à l'occasion d'un conseil
régional, il avait déclaré : " jamais je ne serai
nommé dans ce coin avec de telles rivières ! " Dieu en
avait décidé autrement.
A la fin de ses deux mandats comme régional, Louis espérait
retourner à Kinshasa, et de fait il est nommé curé à
Kisenso, mais pas pour longtemps car en 1999 il est rappelé en France
comme économe provincial, et conseiller provincial.
En 2004, il est élu supérieur provincial, fonction
qu'il assumera jusqu'en mai 2008.
Pendant tout ce temps il a eu de grandes décisions à prendre
tout spécialement sur l'avenir de nos maisons de retraite. Nous ne
pouvions plus en assurer la direction. A quel organisme confier la gestion
de nos trois maisons ? Il était nécessaire d'agrandir
fallait-il démolir pour construire du neuf. Louis a su écouter,
collaborer avec ceux qui se trouvaient sur place, réfléchir
et
prendre des décisions.
Pendant ces neuf ans passés à Paris, Louis était très pris par ses responsabilités administratives. Toujours accueillant et à l'écoute de ses confrères. Mais il a gardé sa passion de l'évangélisation. Il a assuré pendant tout ce temps l'aumônerie de la communauté des africains à Paris. Il y a consacré tous ses dimanches.
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Avec la Communauté Catholique Des Africains
1ère photo visite du Cardinal Lustiger à la communauté.
Louis a écrit dans un journal lozérien : " Comment se fait-il
que moi, le lozérien qui ai grandi au cur des Cévennes,
qui avais rêvé des sables du désert, je me suis retrouvé
dans une grande capitale avec ses turbulences, se agitations débordantes
? Partout où j'ai été envoyé, que ce soit à
Kinshasa, aux grands lacs ou en plein cur de Paris, j'ai été
heureux. Mais je garde tout de même au fond du cur le désir
de repartir pour le Congo où tant d'amis m'attendent ".
En mai 2008, il est nommé au Congo, curé de la
paroisse d'Aru, à la frontière de L'Ouganda, paroisse où
le lingala était utilisé.
Louis s'est lancé aussitôt avec son zèle habituel à
animer cette paroisse. Visitant à pied ses trente-cinq succursales,
il ne ménageait pas sa peine. Disons même qu'il n'était
pas raisonnable. Il était de forte constitution certes, mais il n'avait
plus vingt ans. Il a bien entendu entrepris la construction d'églises
Ses jeunes vicaires africains ont apprécié travailler avec lui.
C'était pour nous un " papa " ont-il dit. Mais les confrères
se sont rendu compte que Louis avait des oublis, des absences, des troubles
de l'esprit, et les supérieurs ont décidé que Louis devait
rentrer en France pour des examens médicaux sérieux.
En septembre 2013, Louis rentre donc et le diagnostic des médecins
est inquiétant. Louis est d'abord nommé à Mours, où
sa joie était de se promener dans le parc, et d'y travailler. Son état
se dégradant rapidement, il est nommé à Billère
dans notre maison de retraite.
Louis avait déjà perdu tous ses repères
: ne comprenant pas où il se trouvait, depuis quand il était
là. Mais il était toujours le confrère agréable,
gai, très aimé du personnel. Il avait toujours gardé
un certain humour et aimait être taquiné. Il passait ses journées
à se promener dans le jardin, un bâton à la main, ramassant
des petites branches d'arbre, récitant son chapelet : toujours très
fidèle à participer à la prière communautaire.
Mais Louis a commencé à fuguer. Plusieurs fois
le personnel a dû faire appel aux pompiers ou à la
police pour le retrouver. Il devenait donc impossible de le garder dans notre
maison de retraite, et il a fallu lui trouver une place dans un établissement
spécialisé, à Vic en Bigorre.
C'est là qu'il a vécu ses derniers mois. Très apprécié
par le personnel soignant et par les résidents, Il était de
plus en plus perdu, parlant le lingala, ne sachant pas où il se trouvait,
ne reconnaissant pas les confrères qui le visitaient.
Un témoignage touchant nous a été rapporté
par une aide-soignante : " Nous regretterons beaucoup son départ,
nous l'aimions pour sa gaîté sa gentillesse. Il réunissait
les résidents pour leur dire la messe. " (En fait il ne disait
pas la messe mais faisait prier les résidents malades comme lui, et
leur parlait du Bon Dieu. Il était resté le missionnaire : "
malheur à moi si je n'évangélise pas ! "
C'est à Vic en Bigorre que Louis est mort le 3 mars 2019. La messe des obsèques a eu lieu dans notre chapelle de Billère. Une dizaine de membres de sa famille s'étaient jointe à la communauté. Louis laisse à tous le souvenir d'un excellent confrère, et d'un véritable fils du cardinal Lavigerie. Il reste pour tous un modèle du véritable Père Blanc. Nous ne doutons pas que le Seigneur l'ait reçu en lui disant " Viens, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Maître "
Bertrand Gayet