Missionnaires d'Afrique
France Paris

Georges Paquet M.Afr.

MON ÉVANGILE


" L'Évangile que je proclame n'est pas une invention humaine,
mon Évangile vient d'une révélation de Jésus Christ. " Gal. 1,12

LES CONDAMNÉS.

Nous marchons vers la mort
chaque jour nous en rapproche :
dans cinq minutes, demain, dans dix ans,
dans cinquante ans peut-être ou plus
mais elle est là qui se rapproche
Un jour : écrasé, brûlé, mangé
ou simplement mis en caisse
comme tout le monde....
alors ce sera terminé ;
il ne restera plus qu'un peu de poussière
jetée au Gange ou perdue dans la terre.

Alors, à quoi bon faire effort ?
À quoi bon courir après des gens
qui n'ont pas envie de m'écouter
qui ne veulent que m'étouffer ?
Passons donc ce temps à s'installer,
à mener une vie bien tranquille
avec sa femme et ses pantoufles.
" Dansons et buvons
demain nous mourrons ".
Et pourquoi, pourquoi, pourquoi
ne pourrai-je jamais dormir
tant que les hommes
ne seront pas heureux ?
Pourquoi suis-je donc insatisfait ?
Qu'est-ce qui me trouble ?
Quel est celui qui dérange ma vie ?
Faisons donc un monde meilleur
donnons l'égalité des richesses à tous
le plus vite possible.
Il y en a tant qui souffrent :
ce n'est pas le moment de palabrer !
Haïssons les patrons, les rois, les riches,
tuons tous ceux qui ne veulent pas partager ;
préparons pour nos enfants
un monde nouveau.
Dans cinquante ans peut-être, ou plus,
ils seront libres et heureux...
Et pourquoi, pourquoi, pourquoi
ne pourrai-je dormir avec tant de haine au coeur ?

Et aujourd'hui
que de gens qui n'ont plus à combattre
qui ont tout, pour qui tout ici-bas est prévu
qui n'ont pas de risque de misère, de faim, de soif
accélèrent leur condamnation
car ils n'ont plus de raison de vivre.
Je veux vivre, vivre, vivre toujours ;
je veux que tous les hommes vivent.
Mais je suis condamné, me dis-tu,
condamné à mort.
Je veux vivre pour aider les autres
à vivre mieux.
Je veux vivre pour aider les autres
à vivre toujours.
Oui, je suis fou, car aucun homme,
aucune science ne résoudra
la condamnation.
Il n'y en a qu'un :
Jésus Christ
Vivant.
" Il est apparu à cinq cents frères à la fois "
Venu non pour faire une révolution
mais la Révolution,
La vraie.
Laver les pieds de ses disciples.
Il est la voie,
il nous appelle tous à la vie
à la vie sans fin
à l'amour.
Courage, j'ai vaincu la mort,

Faites un monde d'hommes libres,
un monde de personnes
pas de machines.
" Car tout est à vous
mais vous êtes au Christ
et le Christ est au Père ".
Et nous serons condamnés à la vie.
(Gap 1966)



MON AMI DE NAZARETH

Quinze ans déjà, Seigneur,
quinze ans
que tu m'as montré ton visage
que tu m'as appelé ton ami
que tu es tout pour moi.
Que d'océans, de continents
traversés
où tu as été toujours près de moi.
Que de joies, que de fêtes
célébrées
où tu as été toujours près de moi.
Que d'hommes, que de femmes
rencontrés
où tu as été toujours
près de moi.

Et maintenant
dans ce monde de haine et de larmes
que veux-tu de moi ?
Dans ce monde qui te fuis et t'ignore
que veux-tu de moi ?

Oui
dis-le moi
je suis là
je t'écoute :
que veux-tu de moi aujourd'hui ?

(Jérusalem 1981 )


TERRE DE LARMES ET DE SANG

L'amandier du Cédron est en fleurs
mais l'enfant d'Ein Karein
n'a plus de demeure.
On l'a chassé.
Mon coeur saigne
du sang rouge
du massacre des Titus
du massacre des Hakim
du massacre des croisés
du massacre des Begin...
A quand la fin des massacres,
des holocaustes, des bûchers ?
Et le tien sur la croix....
jusqu'à quand ?

Et moi :
qu'est-ce que je fais dans cette galère ?
Où me mènera ma lutte
cette goutte d'eau
dans la mer ?

( Jérusalem 1981 )



SEUL DANS LA NUIT

Ce monde est trop petit
je le fuis ;
je vais devant
pour tuer le temps ;
mais rien, rien,
toujours des gens
avides
pressés,
qui veulent vivre :
mais de quoi ?
De pillages,
de combines.
Et d'autres
d'une vie
sous-humaine
espèrent quoi ?
Se font rouler
embobiner.
Quand va cesser
cette course ?
Quand pourrons-nous
nous arrêter,
à rêver ensemble
sous un amandier en fleur
un frangipanier....
Mais la fleur est si courte.

(Jérusalem 1981 )


 

VIVRE POUR QUELLE VIE ?

Pourquoi la vie ?
Pourquoi je vis ?
Cinquante, cent, dix ans....
à manger, dormir, puis fini
à écouter, chanter, puis fini
à pleurer, aimer, puis fini

Je suis fatigué de la vie ;
j'ai tout :
la réussite,
le pouvoir,
mais pour quelle vie ?

Alors pourquoi nous faire languir ?
Jérusalem : 3 000 ans de sang.

Ca ne suffit pas !
A quand la fin
de cette vie :
la mort
ta vie.

(Jérusalem 1981 )

 

LA FUITE.

Elie a fui au désert ;
la reine le poursuit.
Il est seul
à défendre Dieu
son ami.

Sous le genêt du Néguev
comme lui
je me suis assis.
" Prends ma vie
voilà dix ans que je me démène
pour toi :
pour quel résultat ?
Je suis fatigué
je veux m'endormir ".

Mais le vent
se met à siffler
dans les branches ...
Tu m'appelles :
" Lève-toi et marche.
Tes frères t'attendent
pour partager
Le pain
Tu as encore un long chemin :
je suis avec toi ".

( Jérusalem 1981 )



MARIE

" Marie, l'Esprit Saint
viendra sur toi,
tu enfanteras un fils
et tu lui donneras le nom
de Jésus ".
Mais depuis que ton fils
est mon ami
moi aussi je suis le temple
du Saint Esprit.
" Qui est ma mère ? "
lance-t-il un jour.
" Celui, celle qui écoute ma parole
la garde et en vit ".
Alors, Marie, tu n'es pas une super-femme,
tu es seulement l'une de nous,
la première qui a reçu le Seigneur en toi.
Pendant ces neufs mois,
pendant ces trente ans
tu l'as découvert petit à petit
comme une mère qui s'émerveille
à voir grandir son fils ;
et quand il a compris sa mission
dans l'eau du Jourdain
il est parti, il t'a laissée
comme chaque fils
laisse sa mère,
Mais tu l'as repris dans tes bras
sous la croix,
tu l'as reçu dans tes mains
dans le partage du pain
avec ses premiers amis.
Alors celui que l'on appelait
le fils du charpentier
ce soir je veux l'appeler
le fils de Marie.
Quel plus beau nom pour une mère
que de s'appeler " la mère de Jésus. "
Je n'en veux pas d'autres.
Marie, la mère de mon ami,
tu es bien un peu ma mère
et avec toi je veux crier au monde :
Réjouissons-nous
car le Seigneur a fait des merveilles ;
il a regardé notre faiblesse,
il nous a appelés
à être du coté des opprimés ;
il veut vivre en nous
pour toujours.

(Jérusalem 1981 )



LE PERE DE MON AMI

Quand je vois le menuisier
tailler dans l'olivier
je pense à toi Joseph.
Quand je vois le paysan
rentrer des champs
je pense à toi Joseph.
Quand je vois un père
donner la main à son enfant
je pense à toi Joseph.
On parle peu de toi dans l'Evangile
et c'est mieux :
ainsi vous pouvez garder votre secret
Marie et toi ;
votre amour, votre vie de couple
que nous importe de les connaître ;
vous nous avez préparé Jésus
à devenir un homme libre.
Merci de l'avoir laissé partir
pour suivre son chemin.

(Jérusalem 1981 )

 

LA LUMIERE EST VENUE DANS LE MONDE

Pendant que les grands du pays
s'ennuient dans leurs palais
tu joues sur la falaise de Nazareth.
Pendant que les révoltés
cherchent à soulever le peuple
toi tu montes à Jérusalem chaque année.
Pendant que les Romains
se taillent un empire
toi tu apprends le métier de charpentier.

Pendant trente ans
tu as entendu,
tu as vu les rêves fous des hommes ;
tu as vu des centaines d'esclaves
construire
leurs palais éphémères
tu as vu que toutes les révoltes
toutes les remises en cause
radicales
ont des pieds d'argile.

Alors tu es descendu
de tes collines
de Galilée
et ta Révolution a commencé :
ramener les hommes
à ton Père.
Et les grands de ce monde
se sont mis à trembler
et les opprimés
à espérer pour de bon.

( Jérusalem 1981 )


 

L'ENVOI

Dans la synagogue de Nazareth
tu te lèves
pour prendre la parole :
" L'esprit du Seigneur est sur nous ;
il nous a envoyés proclamer aux captifs
la libération ".
Et ton regard se pose sur moi ...
Mais je suis prisonnier de mes défauts,
de mes limites.
Et je les aime encore trop ....
C'est ton appel :
je le suivrai.
Les hommes sont de plus en plus enfermés
dans le piège de la recherche du bonheur.
Des plus pauvres aux plus riches
tous sont empêtrés
et l'écart de plus en plus grand entre- eux
ne fait que donner de l'eau
au moulin des défaitistes,
tu le sais ;
j'en ai le coeur à mourir

Proclamer la libération :
un mot magique
que trop de sirènes ont soufflé
dans mes oreilles.
Ta libération est radicale,
celle qui passe par la Croix
celle qui ne nous fait aimer que toi,
rien que toi, tout pour toi ;
la seule efficace
la seule qui rend libre
la seule qui nous amène aux autres,
au Père.

(Jérusalem 1981 )


 

LES DEUX VOIES.

" C'est décidé, demain,
je quitte Nazareth ;
je pars rejoindre Jean-Baptiste ... "
Et Jésus est là, près du Jourdain
perdu dans cette foule
d'hommes, de femmes
avides de pardon.
Et la voix de Jean s'élève,
menaçante :
" Engeance de vipères
déjà la cognée
se trouve à la racine de l'arbre ;
le jugement est proche :
changez vos coeurs
sinon la catastrophe
n'épargnera personne ".

Mais ces paroles de désolation,
de menaces
ne sont pas celles de Jésus.
Lui, il aime la fête,
le vin, les bons repas.
Pris aux entrailles
par tous ces gens
comme des brebis sans pasteur
il les appelle
à la joie,
à la libération
s'ils sont prêts
à la folie du Royaume :
" Aimez-vous les uns les autres
comme je vous aime ".

( Jérusalem 1981 )



PARLE-MOI DU PÈRE.

Dis-moi qui est-il
celui que tu appelles
Abba-Papa ?
Dis-moi, qui est-il
celui que tu aimes rencontrer
seul sur la colline ?
Dis-moi, qui est-il
celui qui est toujours prêt à donner ?
Dis-moi, qui est-il
celui qui est toujours prêt à pardonner ?
Dis-moi, qui est-il
celui que tu as appelé sur la Croix ?
Montre-moi le Père
comme disait Philippe.
Je suis avec toi
depuis si longtemps ...
Qui me voit, voit le Père
qui vit de moi vit du Père.
Abba, Abba, Papa
je suis ton fils.

(Jérusalem 1981 )



 

LE MIRACLE DU PARTAGE.

Capharnaüm, Magdala, Betsaida...
de partout les exclus, les sans nom
accourent.
Tu les relèvent à eux-mêmes :
" Ta foi t'a sauvé ".
Lève-toi,
sois toi-même,
n'aie plus peur,
ne sois plus paralysé
par tes craintes, par tes doutes.
Et ce soir, ils sont cinq mille
avec leur coeur sec,
leur peur de partager ;
beaucoup ont quelques provisions
en poche
comme cette femme :
trois poissons, deux petits pains ...
Donnez-leur vous - même
à manger.
Brisez votre égoïsme !
Et c'est le miracle :
un, deux, cinquante, cent
se mettent à partager leur poisson séché,
leurs deux ou trois bouts de pain ...
Des voix s'élèvent :
C'est le Messie !
Voilà le chef qu'il nous faut.
Les Romains sont à notre portée :
on est cinq mille,
demain on sera dix mille !
Les épées commencent
à luire
sous la lune.
Et Jésus s'échappe
dans les collines
seul.
Père, ce pain que tu veux
leur donner
c'est ma vie.
Ma chair est vraiment une nourriture,
mon sang est vraiment une boisson,
mais ils n'en veulent pas
ils vont tous m'abandonner.
. (Tanzanie 1982 )



 

LE DOUTE SURMONTE.

Ce matin tu es seul
sur la plage
près de Capharnaüm ;
Ils sont tous partis.
C'était trop beau
tous ces gens qui buvaient
tes paroles
depuis plus de deux ans.
Tu paniques :
" Malheureuses êtes-vous
villes du lac !
Vous n'avez rien compris,
vous n'êtes que des aveugles.
Croupissez dans vos certitudes
et, vous, les douze,
voulez-vous me quitter aussi,
voulez-vous retourner
à vos filets,
vos femmes, vos maisons ? "

Je suis dans le doute
je ne sais plus.....
Et pour vous qui suis-je ?

Seigneur, à qui irions-nous ?
Tu as les paroles de la vie
Tu es la vie
tu es notre Vie.

Alors, c'est décidé :
montons à Jérusalem
marchons, marchons
vers l'irréversible
lucides, libres ;
allons crever l'abcès.

( Tanzanie 1982 )



C'EST LA LUTTE FINALE.

On est à la fête des récoltes
" matomolo ".
Jésus monte à Jérusalem
au milieu des pèlerins ;
on le montre du doigt,
il n'a jamais provoqué
autant de divisions.
" Vous cherchez à me faire mourir. "
" Tu es un possédé! "
Quand la fête se termine
au moment où l'on prend l'eau
à la piscine de Siloé
il s'écrit :
" Si quelqu'un a soif , qu'il vienne à moi,
et qu'il boive, celui qui croit en moi. "
Le soir
dans le temple illuminé
c'est la provocation finale :
" Je suis la lumière du monde.
Avant qu'Abraham fût, je suis. "
Il insiste le lendemain ;
un fouet à la main
il renverse tout.
" C'est la maison de mon père
et vous en faites une caverne de voleurs. "
Tout est accompli ;
il a pris le risque
d'être lapidé
comme un homme libre.
Il sera mis en croix
comme un esclave.

(Ndala 1989 )

matoloto : fête des récoltes chez les Waniamwezi en Tanzanie.

 

JEUDI SAINT.

Ce soir on a mangé la Pâque,
j'ai traversé le Cédron
et tu es là, assis près de moi
face au mur de la ville.

Dis : te souviens-tu
du soir où Judas est venu
t'embrasser,
te trahir ?

Pourquoi n'es-tu pas parti
tandis que tes amis dormaient ?
Pourquoi n'es-tu pas parti
former une armée dans le désert ?
Pourquoi n'es-tu pas parti
reprendre ton établi de charpentier ?
Pourquoi ?

Et toi
pourquoi as-tu quitté ton village
pour partir si loin ?
Pourquoi as-tu quitté ton village
pour annoncer mon nom ?
Pourquoi as-tu quitté ton village
pour n'être qu'un vagabond ?
Pourquoi ?

Seigneur
tu sais bien que je t'aime.

( Jérusalem 1981 )



JE T'ATTENDS.

Mort : où es-tu ?
Qui es-tu ?
Je ne t'ai jamais vue.
Tu viendras bien me chercher
un jour.
Et, alors ?
Je n'ai pas peur ;
d'ailleurs pourquoi aurais-je
peur ?

Qu'elle m'emmène d'un coup ;
je suis prêt.
Le Christ vit en moi
il a vaincu la mort.

Tu ris ...
Et si la maladie te frappe
d'un coup, sans fin,
sans motif ...
Et si c'est Gethsémani ?
Jésus
tu as bien eu peur
mais tu ne l'as pas fuie.
Dis,
si elle vient comme ça
tu seras là,
tu me tiendras
la main
fort,
très fort.

( Jérusalem 1981 )



 

LA FOLIE DE LA CROIX.

Pourquoi la Croix ?
C'est l'échec de la lutte.
Non !
Même quand Dieu
n'a plus rien
il est vainqueur.

La Croix
c'est le triomphe de l'amour.
N'y a-t-il pas de plus grand amour
que de donner sa vie pour ses amis ?
L'amour excuse tout, croit tout
espère tout, endure tout.
Même si la souffrance physique
me frappe,
même si mes amis me trahissent,
même si je suis humilié
par mes limites, mes échecs,
même si je suis plongé
dans la nuit,
le Christ sera avec moi
près de moi.
Car ce n'est plus moi qui vis
c'est le Christ qui vit en moi.
Alors rien ne pourra enlever
cette présence,
cette force en moi :
aucune souffrance-
ni la plus aigüe :
celle qui nous vient de notre monde
blasé et indifférent
à la force de l'amour-croix ;
ni la plus agressive :
celle qui nous vient de tous ceux
qui croient éliminer
la force de l'amour-croix ;
ni la plus purificatrice :
celle qui vient du Père
élaguant sans cesse
comme le vigneron
qui taille le sarment inutile
afin de nous amener à renoncer
à nos voies
pour suivre la sienne.

( Jérusalem 1981 )



UNE SEULE VOIE.

En ce moment,
nombreux sont ceux qui retournent
sur les bords du Nil
pour retrouver le poisson frais
les oignons, l'ail ...
la grande bouffe.

C'est même la ruée :
on veut jouir de la vie, s'épanouir,
se faire bronzer au soleil,
suivre la mode !
Mais retourner là-bas
c'est retourner à l'esclavage ...
L'alternative ?
La porte étroite,
la voie de Jésus,
la voie qui n'a pas peur de la croix.
Je résiste ...
Ce n'est pas comme cela
que l'on résoudra les problèmes,
que l'on trouvera de nouvelles structures.
Imprime en moi les paroles de Paul :
" Nous annonçons un Messie crucifié
scandale pour les juifs,
folie pour les païens,
car ce qui est folie de Dieu
est plus sage que les hommes
et ce qui est faiblesse de Dieu
est plus fort que les hommes. "
Ce qui est faible dans le monde
Dieu l'a choisi
pour confondre ce qui est fort :
Thérèsa, Camara, Mandela,
et bien d'autres ...

(Jérusalem 1981 )



LA RENCONTRE.

Il fait froid dans Jérusalem,
le vent tourbillonne en rafales
dans les ruelles ;
la pierre a envahi tous les murs
la pierre tapisse les rues
la pierre des arcades
me cache le ciel
et je marche seul.
Je n'entends pas les enfants qui jouent.
Je n'entends pas les touristes
qui se cherchent.
Je n'entends pas les marchands
qui m'aguichent ...
Mais qu'est-ce que je fais ici ?
Je n'intéresse personne,
je ne m'intéresse à personne.
" Bonjour ", me dis-tu.
Tiens !
D'où sort-il celui-là ?
Ton regard,
ta poignée de mains ...
D'accord je suis prêt
je Te suis.
Plus de pierres, plus de murs ...
On est en Galilée, à Césarée,
le mont Tabor est en fleur.
Dans la brousse
les tam-tam de la fête
m'appellent :
" amefufuka, amefufuka ! "
Il est vivant,
Il est ressuscité !

(Jérusalem 1981 )
Amefufuka : il est ressuscité (swahili)




VIENS LOGER CHEZ MOI.

Seigneur je t'invite à vivre
dans ma maison.
Tu sais, elle n'est pas très belle,
les portes sont branlantes,
les murs sont lézardés ;
mais, toi, tu ne vivais pas
dans des palais ;
alors tu viendras bien
chez moi.
D'abord, j'ai hésité
à t'inviter :
je voulais garder
mes secrets, mon intimité,
mon petit train-train
pour faire ma volonté.
Mais tu es mon ami
mon seul ami,
le vrai.
Alors, entre :
tu es chez toi.
Si le vent apporte le froid,
tu ne partiras pas.
Si le voleur surgit la nuit
tu me défendras.
Alors tout ce qui est à moi est à toi.
Apprends -moi à prier,
apprends -moi à dire
" Notre Père
que ta volonté soit faite. "

Et sa volonté sur moi
c'est que je sois moi-même
avec mes qualités,
mes limites
à chaque instant
de ma vie.

Père,
si ton fils est
avec moi
si je l'ai laissé
envahir
ma maison
je suis prêt
avec lui à remettre
ma vie
entre tes mains :
ton Esprit.

(Jérusalem 1981 )



LA FORCE DU PARTAGE.

" Si le grain de blé qui tombe à terre
ne meurt pas
il ne produit pas de fruit. "
Et pourquoi ?
Où est ton pouvoir ?
" Les aveugles voient,
les sourds entendent
les morts ressuscitent. "
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Les aveugles continuent d'être aveugles,
les sourds sont toujours sourds,
les cimetières se remplissent.
Jusqu'à quand cette vie de dingues,
de favorisés toujours plus favorisés,
de démunis toujours plus démunis ?

Non, non, non !

" C'est moi qui vous ai choisis
pour que vous alliez,
que vous portiez du fruit
et que votre fruit demeure ;
si bien que tout
ce que vous demanderez
au Père
il vous l'accordera
dans vos communautés. "

Oui !
Créons des communautés
de vivants.
Dieu n'est pas un dieu
de paroles vides
mais de nos actes.

Dieu nous appelle
à construire
le monde
en commun
par l'amour.

Car là
où il n'y a pas l'amour
Dieu est mort.

J'étais aveugle,
je n'entendais plus
tu m'as pris par la main,
tu m'as parlé
et j'ai vu.

( Jérusalem 1981 )



L'APPEL QUE L'ON ATTEND.

Paul quitte Jérusalem
il monte dans le nord
à Damas.
Il va enchaîner les Chrétiens ;
il les voit déjà
humiliés, cassés
et lui, il sourit déjà, satisfait
du travail bien fait.
Mais c'est lui qui, en route,
tombe :
tu casses son orgueil.
Alors, Seigneur,
viens
aujourd'hui ;
viens en appeler des Paul
fais mordre la poussière
à des garçons, à des filles,
relève le défi des sectes ;
la moisson est toujours à faire
et les moissonneurs
vieillissent ;
où est la relève ?.
Pouvez-vous boire la coupe
que je vais boire
ou être baptisés du baptême
dont je vais être baptisé ?

Oui
ils sont prêts
ils n'attendent pas
d'être embauchés
ils attendent
que tu les prennes
de force.

(Jérusalem 1981 )

 

CE MAL QUI NOUS TORTURE.

Quand Jésus est enchaîné
tu le laisses emmener.
Quand Pierre est enchaîné
tu le libères.
Quand Paul est déchaîné
contre les tiens
tu le renverses.
Quand Néron est déchaîné
contre les tiens
tu le laisses les brûler.
Bien sûr, tes voies
ne sont pas mes voies.
Pourquoi, Seigneur,
pourquoi le mal
me fait
tant mal ?
Je sais, je sais
que tu es toujours prêt de nous
mais je reste en silence,
je n'ai rien à dire
devant tes fils, tes filles,
torturés, écrasés, humiliés :
je n'ai qu'à agir,
travailler,
lutter,
pour que de temps en temps
la balance penche
du côté de ceux
qui cherchent
la justice,
le partage,
l'amour.

( Jérusalem 1981 )



EMPÊTRES DANS LE PÉCHÉ.

Deux hommes montent au temple
l'un est disciple de Jésus
l'autre un bon croyant
sans histoire
qui connait Dieu
mais ne l'a pas rencontré.
Tourné vers une statue, sans visage,
le brave homme soupire :
" Je ne suis qu'un pauvre pécheur,
la vie n'est pas facile.
Quand je mets la main dans la caisse
du patron
c'est pour nourrir mes enfants ;
quand je vais chez la femme
du voisin
c'est juste pour un peu de plaisir ;
quand je bois un coup de trop
c'est pour oublier mes fins de mois
difficiles. "

" Mais, Seigneur, dit le disciple,
tu m'as appelé à être ton ami ;
bien sûr tu m'envoies
à tous ces blasés,
ces tièdes
qui n'osent pas franchir
le pas de l'amour,
ton amour ;
mais je ne suis pas meilleur
que les autres ;
je croule sous mes défauts.
Je suis si limité :
montre-moi d'abord mon péché.
Montre-moi
que je ne suis pas assez ton ami,
que je me débine
que je veux construire
ma tour à moi
et non la tienne :
ma tour de Babel.
Secoue la poutre
qui me bouche l'oeil;
que je la jette,
si difficile
Cela soit-il.
Que mes frères me la montrent
du doigt ;
que j'accepte
sans me rebiffer
que je ne suis rien
sans toi. "

(Jérusalem 1981 )



QUELLE REVOLUTION ?

J'ai voulu voir la révolution
j'ai vu la révolution
en marche.
J'ai voulu voir le socialisme
j'ai travaillé
avec le parti
avec tous
en pays socialiste.
J'ai vu que les hommes et les femmes
sont partout les mêmes :
formés
de truands, de saints, de bourreaux,
de martyrs, de ratés, de génies.
Le meilleur système
même s'il est bien écrit
ne donnera que des larmes,
des divisions, des injustices
si le coeur des hommes
et des femmes
reste un coeur de pierre
égoïste.

Qui pourra nous rassembler ?
Qui pourra donner à nos luttes
un goût d'espoir,
qui pourra empêcher
les opprimés
de devenir oppresseurs
s'ils prennent le pouvoir ?

Plus de Guide
de Duce
de Furher
de Caudillo
de Mwalimu
de Souverain Pontife ...

Quand verrons-nous
qu'il n'y a
qu'une porte :
la Tienne,
qu'un Pasteur :
un berger aux mains nues
Toi
qui nous conduis
à la source :
Ta vie,
qui nous donne
l'herbe fraîche :
Ta force
la seule
pour construire
un monde
sans canon
et moins de canons
déjà
pour demain
si l'on veut
de Toi
tout de suite ?

(Jérusalem 1981 )

En Tanzanie, le parti au pouvoir s'appelle " le parti de la révolution "
" Mwalimu "( professeur en Swahili) est le nom donné au premier président du pays.

 



ET CE SERA LE PRINTEMPS …

Janvier, février,
C'est le temps où l'on achète des rosiers,
On va les mettre en terre
Et attendre patiemment
Que les bourgeons, les feuilles, les fleurs
Arrivent.

Accueillir l'autre
C'est être un jardinier…
C'est savoir prendre son temps,
Etre patient,
Laisser l'autre devant nous
Arriver tout sec
Comme le rosier que l'on vient d'acheter,
Le laisser nous dire, petit à petit,
Qui il est.

Nous montrer ses épines,
Et surtout, aller à la recherche
Des roses enfouies en lui,
L'aider à ce qu'il se voit, lui- même.

Attendre un peu
Qu'il se réchauffe au soleil
Et être fier
Des belles fleurs
Qui vont bientôt éclore.

Et se sera " le printemps "
Pour accepter la vie en lui
Et avec les autres,
Dans un monde cassé
Mais toujours à améliorer

* Georges de Pajol (accueil migrants, 37 rue Pajol, Paris.)

Photo : avec les sans-papiers en grève
20 avril 2008 , rue Xaintrailles, Paris 13 éme

Voir aussi
Geoges Paquet M.Afr avec les sans-papiers

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