Témoignages

 

............Avec François Jacquinod M.AFR, 60 ans de serment

L’Apôtre des Bolon

Après son ordination sacerdotale à Carthage, le 1er février 1950, François Jaquinod a été nommé directement à Nasso, au petit séminaire de Bobo-Dioulasso, comme titulaire de la classe de 6e. Il n’y est resté qu’une année. Par la suite, il a toujours été en paroisse, essentiellement à Niangoloko (20 ans), Ndorola (15 ans), Orodara (11 ans). Finalement, en 1999, il a transmis sa charge de curé de Niangoloko à un prêtre diocésain. Depuis, il se trouve dans la maison d’accueil des Pères Blancs à Bobo-Dioulasso.


Ce qui m’a le plus marqué au cours de ces longues années, c’est mon séjour à Dionkélé, chez les Bolon. En 1954, je venais de passer trois années à Niangoloko et je commençais à maîtriser le Gouin, langue assez difficile. C’est alors que j’ai reçu une lettre de Mgr André Dupont m’enjoignant de partir au plus vite à Dionkélé. En vérité, je n’étais pas tellement enchanté de quitter Niangoloko pour un pays inconnu ; mais assez vite je fus pleinement satisfait de cette nouvelle affectation. La population était des plus sympathiques.

Les jeunes paysans, au CFA de Dionkélé, apprenaient à dresser des bœufs pour la culture et de nouvelles méthodes agricoles.L’ethnie Bolon comptait environ 6 000 âmes (actuellement sur la Paroisse de Ndorola). Dionkélé, un petit village d’environ 650 habitants, était jusqu’alors inconnu. Le Père Yves Sainsaulieu l’avait repéré : il avait découvert une vaste plaine inondable en saison des pluies ; mais, pensa-t-il avec raison, le riz y pousserait facilement ; il imaginait déjà l’implantation d’un Centre de Formation Agricole pour initier les paysans à la culture attelée et à de nouvelles méthodes de travail plus rentables.
J’ai dû apprendre une nouvelle langue, le Jula, plus facile que le Gouin : au bout de deux mois je commençais à me débrouiller et, par chance, la langue Bolon est très proche du Jula.

François Jacquinod visitant un village BolonLa Mission était bâtie sur une petite colline dominant le village de Dionkélé : une maison en argamasse1 avec trois chambres et une salle commune ouverte à tous vents. Le village est blotti, tout près, en contrebas. Vu la proximité du village, il fut aisé de connaître les gens : l’organisation villageoise bien structurée, les diverses manifestations survenant dans la vie du village, les querelles, les coutumes diverses, les fêtes annuelles avec masques, d’où l’intérêt de cette convivialité. Il me fut facile de créer des amitiés, d’être admis à partager leur vie et à faire partie de leur société solidaire. C’était pour moi la découverte d’une vie communautaire à l’opposé de l’esprit individualiste des Gouin de Niangoloko. C’était même inscrit dans la façon de construire : d’un côté, un village Bolon très groupé en un seul bloc ; de l’autre coté, un village Gouin composé de petites paillotes rondes dans des « soukalas » dispersées.

Ma première activité a été les soins donnés au dispensaire où les patients venaient très nombreux, même de villages assez éloignés, car il n’y avait pas de dispensaire dans toute la région ; certains venaient même du Mali. Puis il y eut la visite des villages environnants. Pendant trois années, j’ai aussi assuré la direction du CFA fondé par le Père Yves Sainsaulieu.

Grâce à toutes les observations que j’ai rassemblées sur la vie du village, j’ai pu faire publier une première étude sur la société Bolon dans le bulletin de l’IFAN, en 1963, suivie, en 2005, d’une présentation plus complète du “Pays Bolon”, dont un exemplaire se trouve aux archives de la Maison Généralice.

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Masques Kerengoni et Kélé de Dionkélé

Les amitiés nées de ce séjour sont toujours bien vivantes. Je profite des fêtes religieuses et coutumières pour y aller passer quelques jours ; j’y suis toujours bien accueilli. Souvent, lorsque l’un ou l’autre Bolon vient à Bobo, il ne manque pas de venir me rendre visite.

Si je garde un souvenir spécial de ma présence au pays Bolon, je dois ajouter que j’ai été très heureux tout au long de mon séjour au Burkina, et j’en rends grâce à Dieu.

François Jaquinod
Bobo-Dioulasso

1 L’argamasse est un toit en terrasse dont l’armature est en bois et qui est recouvert de terre (explication demandée à François Jacquinod à Bobo par Bernard Laur pour le Lien)