Missionnaires d'Afrique
France

Charles Mayaud, Mours, 60 ans de serment

Ministère spécialement
au Liban et en Lybie

Ma vie missionnaire naquit très sûrement de façon très humble et cachée de ce que l’on m’avait dit en famille de mon saint patron, cousin germain de mon arrière-grand-père, St Jean-Charles Cornay , M. E. P., martyrisé au Tonkin d’alors en 1837, à l’âge de 28 ans. « Tu n’étais pas haut comme la table, m’a dit un jour ma mère, quand tu as dit : Quand je serais grand, je serai missionnaire. » Je n’ai jamais changé depuis.

Une orientation plus précise me vint durant mes années de collège, très probablement du Père Charles de Foucauld, lointain parent de mon arrière-grand-mère, à travers le film, qui fut célèbre alors “L’appel du silence”. Orientation qui fut confortée et précisée par la réponse que je reçus toujours de la part des missionnaires que j’interrogeais : « Et pour les musulmans que faites-vous ? » La réponse était toujours la même : « Rien, ils sont inconvertissables ! » Je n’ai pas supporté. Et c’est dans cet esprit que je rentrais, en octobre 1945, chez les Pères Blancs à Kerlois (Morbihan), Séminaire de philosophie d’alors. Je n’ai jamais changé depuis.

« L’homme propose et Dieu dispose » dit le proverbe. Personnellement j’en ai souvent douté et il m’a souvent semblé qu’il faudrait, dans bien des cas, intervertir les sujets de ces deux verbes ! Certains ont parlé de détournement de vocations.

Professeur en Italie, puis au Liban

Toujours est-il que ma première affectation fut comme Professeur de français au Petit Séminaire Italien de Treviglio dans le diocèse de Milan et la province de Bergame. Ce qui me vaut maintenant, après sept ans de présence (1953-1960) de parler couramment l’italien.

Le Père Mayaud au milieu  de quelques éléves de TreviglioProfesseur j’avais été, Professeur je restais, mais, cette fois-ci, au Séminaire Grec-Catholique de Rayak au Liban où la vie scolaire et quotidienne se déroulait en français et la vie religieuse en arabe et grec de la Koinè. La préoccupation des musulmans restait sur la ligne d’horizon qui, sur la plaine de la Bekaa, restait très lointaine.

Je dois pourtant reconnaître que ce séjour m’a donné de découvrir l’Église byzantine, tant catholique qu’orthodoxe, à travers sa liturgie, sa théologie, sa mystique… j’en reste profondément marqué après trois ans effectifs de célébration liturgique quotidienne en grec d’abord, en arable ensuite.

Car, il faut le dire, mon rattachement oriental fut interrompu par deux ans d’études de l’arabe littéraire en Tunisie à ce qui s’appelait alors l’IPEA (Institut Pontifical d’Études Arabes).… Institut que je retrouverais en octobre 1965, à Rome, en tant qu’économe, malgré les contre-indications manifestes et manifestées.

J’y suis resté trois ans, puis fus nommé à Oran pour un service au Centre de Documentation Économique et Sociale et à la paroisse Saintt Paul de Gambella. Tant de changements me firent désirer prendre une année sabbatique dans mon diocèse d’origine, Angers. Années qui, en fait, durèrent deux ans !

Ministère près des religieuses en Libye

À la suite de quoi et après avoir célébré mes 25 ans de sacerdoce, je fus envoyé en éclaireur en Libye, à Benghazi, capitale de la Cyrénaïque. J’y partais seul avec promesse d’y être rejoint par deux confrères (qui ne vinrent jamais) en aide au Père Giovanni Martinelli, franciscain italien, né en Libye et seul alors. Il avait en charge une dizaine de communautés de religieuses, italiennes surtout, avec quelques sœurs polonaises, dispersées entre Benghazi et Tobrouk sur environ 300 km. C’était en octobre 1977.

Benghazi 1978J’avais accepté l’aventure après un séjour d’exploration d’un mois, en février 1977. J’avais visité l’ensemble des communautés et étais resté en admiration devant ces religieuses envoyées-là sans aucune formation, ni spirituelle, ni linguistiques, ni missionnaire, avec, pour tout bagage, leur diplôme d’infirmière et qui y passaient leur vie. Elles avaient donné preuve de leur attachement à leur tâche au moment de la Révolution de Kadhafi, alors que l’évêque et son clergé rentraient en Italie. Leur seul soutien spirituel – hormis celui du Seigneur – était le passage rapide de l’un de nous deux avec une messe le soir de notre arrivée et une autre le lendemain matin, avant notre départ, laissant le ciboire plein pour le reste de la semaine. Mais toutes les communautés étaient visitées à tour de rôle.

Puis un père franciscain italien rejoignit le Père Martinelli ; il ne se différenciait pas des sœurs, car il n’avait, lui non plus, aucune formation pour ce genre de vie missionnaire.
La seule et unique conclusion que j’ai tirée de mon voyage d’exploration avait été : « Il n’est pas permis de laisser des Sœurs dans un tel abandon spirituel. ». C’est bien le seul motif qui m’a poussé à y partir. Et je peux dire que je ne me suis jamais senti autant missionnaire que pendant ces années-là, alors que je n’avais et ne pouvais avoir aucun contact avec les Libyens. Et les Sœurs l’ont bien senti car c’étaient elles qui évangélisaient. (cf. note).

Après l’italien et l’arabe,l’apprentissage du philippin

À cela il faut ajouter un ministère plus classique autour de l’église paroissiale de Benghazi pour civils coopérants de diverses nationalités avec, selon l’occasion, des messes en français, anglais, italien ou philippin et, pour ma part, des visites de camps de travailleurs dans la compagne. Pour ce faire, très rapidement, grâce à l’aide d’un infirmier philippin et d’un magnétophone, j’appris tout l’ordinaire de la messe en philippin. Un jour, en discutant avec un ingénieur, je lui disais : « J’espère que je ne massacre pas trop votre langue ? » Il me répondit : « Non, vous parlez assez bien, mais surtout nous vous sommes infiniment reconnaissants d’avoir fait l’effort de l’apprendre ! » Si, par malheur, il m’était resté quelque nostalgie de notre vieux latin, une telle réflexion m’en aurait guéri à jamais.

En octobre 1977, je fus envoyé en résidence à Derna, un petit port entre Beida et Tobrouk auprès d’une communauté d’une dizaine de Sœurs. Habitant seul en ville, dans un petit appartement et après quelques péripéties qui seraient trop longues à raconter, très fatigué et sur l’ordre précis du Père Bob Gay, alors Supérieur Général, je rentrai en France. C’était en décembre 1983.

Après quelques mois de repos, je repris la vie de communauté en Tunisie et un parcours missionnaire un peu plus classique. Octobre 1984, curé de Sousse, puis, en septembre 1987, commis bibliothécaire à l’IBLA, puis curé à la Marsa/Carthage en janvier 2001. Ce fut rapidement la fin de ma vie maghrébine, car je fus rapatrié sanitaire à Paris pour une intervention cardiaque.

Avant de s’éteindre définitivement, le feu eut un retour de flamme par un rappel au P.I.S.A.I. comme «portrnais-telephonista » qui jeta ses derniers feux sous le titre pompeux de « Porefetto della Biblioteca del P.I.S.A.I » (a. i / c’est-à-dire « ad intérim ») !

Charles Mayaud

cf. note : J’ai le devoir d’ajouter que durant les jours tragiques vécus par les habitants de Benghazi et environs, les Sœurs sont restées fidèles au poste dans les conditions que chacun connaît et, avec elles et à leur exemple, de nombreuses infirmières et infirmiers philippins.