Missionnaires d'Afrique
France


Charles de Coattarel,
Toulouse, 50 ans de serment

Une suite de migrations successives




 

Cinquante ans de vie missionnaire au service de l’Église en Afrique et en Europe. Maintenant on dirait : au service du Monde Africain, sans préciser ni le comment ni l’appartenance à telle ou telle religion. Ce qui élargit considérablement les perspectives et le champs de la mission.

Après le parcours classique de la formation P. B. en Algérie et Tunisie, c’est le 27 juin 1960, à Carthage, que nous avons prononcé le Serment missionnaire : nous étions 23, dont 7 français.
Il fallait attendre encore une année pour connaître nos nominations. Pour moi ce fut la Guinée, diocèse de N’Zérékoré .


1960, il y a 50 ans, Charles au milieu de ses confrères !

C’est en décembre 1961 que j’y suis arrivé avec un confrère Belge. Nous arrivions dans un contexte “sensible” où la politique d’indépendance très nationaliste contestait l’influence de l’Église jusque-là dirigée par des étrangers. C’était le scénario classique : nationalisation des écoles et prise en main par le Parti au pouvoir des mouvements de jeunesse initiés par l’Église ; celle-ci était renvoyée à la sacristie : le catéchisme et la messe.

J’ai découvert là-bas un peuple attachant. Les Toma, peuple de la région forestière, très attaché à sa religion traditionnelle africaine, peu perméable à l’évangile et perplexe devant l’influence musulmane rampante. Après neuf à dix mois d’apprentissage d’une langue difficile (du moins pour moi) et un début de connaissance des coutumes de cette région, je commençais avec plus ou moins de bonheur les tournées dans les villages dépendants de la mission de Kolouma, au cœur de la région forestière. Nous étions toujours accompagnés d’un catéchiste qui avait en charge un ministère d’évangélisation et d’animation de la prière pour les quelques catéchumènes dispersés dans les villages de la forêt. Ces catéchistes. bien formés, et avec leurs épouses, à l’école diocésaine, durant trois ans, donneront toute leur mesure après le départ de tous les missionnaires en 1967. J’aimais bien cette itinérance de village en village où l’on était toujours bien accueillis ; et c’est là qu’on apprenait le mieux le comment de cette population.

Expulsion de
tous les missionnaires

Je serais volontiers resté, c‘était mon rêve, rêve évanoui en mai 1967 lorsque tous les missionnaires étrangers, dans toute la Guinée, durent brusquement faire leurs valises. Du jour au lendemain le diocèse de N’zérékoré se retrouvait avec deux prêtres diocésains, de bonnes équipes de catéchistes dans tout le diocèse, plus aucune religieuse. Il faut rendre un hommage vibrant à ce noyau d’une dizaine de prêtres pour les trois diocèses de Guinée qui, avec les catéchistes, ont maintenu l’Église la tète hors de l’eau pendant ces années de tourmente. C’est tout simplement admirable et héroïque. Pour les missionnaires, c’était comme un message du Seigneur : c’est lui le maître de la moisson ; ne nous croyons pas indispensables ; il peut faire autrement…

Dans la suite je me suis retrouvé en France. pour l’animation missionnaire et vocationelle ; puis j’ai rejoint le Congo (Uvira à l’époque, diocèse de Goma) ; je suis revenu en France pour une aumônerie des étudiants africains; reparti au Congo et revenu définitivement en 1986 pour raison de santé.

Après quelques années comme économe à la maison des étudiants de Toulouse, j’ai découvert le métier de curé de paroisse en banlieue parisienne, puis à Marseille. Et c’est à Toulouse que je continue maintenant ma vie missionnaire, partageant mon temps entre la communauté, des ministères ponctuels, l’accueil des migrants au Secours Catholique et peut-être, plus tard, la Coopération Missionnaire.

Ce que je peux dire, c’est qu’à travers ces migrations successives j’ai toujours été heureux de vivre ce qu’il m’était donné de vivre : se réadapter assez souvent, c’est dur, c’est décapant; mais comme on dit : « ça fait bouger », et c’est bénéfique. J’ai connu de nombreuses communautés Pères Blancs et je m’y suis toujours senti à l’aise et heureux d’y vivre.

La prière en communauté et la vie fraternelle ont toujours été un grand soutien pour moi. Seul je n’aurais jamais pu tenir mes engagements. En conclusion je rends grâce à Dieu en pensant qu’il « écrit droit avec nos lignes courbes ».

Charles de Coattarel