« Accueillir le migrant, c'est accueillir un don de Dieu »,
interview de Mgr Schockert


par Isabelle Maillet

Mgr Claude Schockert,, Photo webmaster Rome Via AureliaDu 9 au 12 novembre avait lieu le 6e congrès mondial pour la Pastorale des migrants et des réfugiés, cinq ans après la publication de l'instruction 'La charité du Christ pour les migrants', sur le thème « une réponse pastorale au phénomène migratoire dans l'ère de la mondialisation ». Mgr Claude Schockert, évêque de Belfort-Montbéliard et responsable de la pastorale des migrants, conduisait la délégation française, composée de Mgr Renaud de Dinechin, évêque auxiliaire de Paris, le père Bernard Fontaine, le père Guy Pasquier et le père Bernard Bellanza du Service national de la pastorale des migrants et des personnes itinérantes.

Lors de ce congrès, le pape a demandé à ce que l'on voit les migrants et leurs familles comme une ressource et non comme un problème. Comment encourager ce regard ?
Cela touche à la question de l'intégration. Le risque de l'intégration est de vouloir assimiler l'immigré, qu'il devienne une copie conforme de l'autochtone. Cette vision est différente de la manière dont nous percevons la question de l'intégration. L'intégration consiste à apprendre la langue, à connaître l'histoire du pays dans lequel vit la personne immigrée, afin qu'elle puisse communier à notre culture.

Pour nous, c'est un appel à recevoir l'immigré comme quelqu'un qui est différent de nous, d'une autre culture. C'est dans ce respect de la différence et dans un dialogue que ce fait ce changement de mentalités. L'immigré n'est plus considéré uniquement sous l'angle économique mais également sous l'angle culturel. Sa culture, différente de la nôtre, est une richesse pour nous. Il nous faut respecter l'héritage culturel que chacun porte en soi. Recevoir de l'autre la différence qu'il est pour nous, c'est accueillir un don que Dieu nous fait à travers lui. Le pape a beaucoup insisté sur ce fait.

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G à dr : P. Bernard Fontaine, Mgr Claude Schockert, P Bernard Belanza, P. Pierre Luc Ha Quang Minh,
P. Guy Pasquier, et Mgr Renaud de Dinechin

Au cours de ce congrès, les participants ont appelé à favoriser la coopération entre les Eglises d'origine, de transition et de destination. Comment favoriser ces liens entre Eglises ?
Cela suppose que nous évêques puissions rencontrer les évêques des pays d'origine, et les évêques des pays de transit. J'ai vécu une telle expérience lorsque je me suis rendu à Abidjan en Côte d'Ivoire en avril 2007 pour participer à un colloque sur l'immigration. J'étais le seul européen, avec Mgr Vincent Landel, évêque de Rabat-Casablanca.

Nous n'avons pas seulement mis l'accent sur l'immigration sud-nord, j'ai découvert qu'il y avait beaucoup de migrants à l'intérieur des pays d'Afrique, des migrations inter-nationales. Il était intéressant d'entendre le témoignage de l'évêque du Maroc. En contact avec des étudiants sub-sahariens qui viennent au Maroc pour leurs études, un certain nombre d'entre eux cultive le désir de passer en Europe.

Le dialogue pastoral les amène à réfléchir pour que leur choix puisse se faire plutôt au bénéfice de leurs pays en y retournant. Cette attitude pastorale tend à se réaliser également dans les diocèses de la région de l'Afrique de l'Ouest. La présence d'Africains en France est une raison supplémentaire de cultiver ces liens entre évêques de France et évêques des pays d'Afrique.

Au cours du congrès à Rome, j'ai rencontré un évêque de Grande Bretagne. Nous avons un problème commun : celui de la question des migrants de Calais. Nous en avons parlé, et il serait certainement intéressant de nous rencontrer un jour, avec l'évêque d'Arras, pour échanger sur ces questions de la migration de personnes cherchant à se rendre en Angleterre. Ce sont en particulier des Afghans, des Irakiens ou des Vietnamiens. Notre échange pastoral nous aiderait certainement à découvrir la complémentarité de nos approches de ces réalités douloureuses pour les migrants.

Dans son encyclique, le pape a demandé qu'une véritable autorité politique soit mise en place pour réguler les flux migratoires. Comment concilier cette autorité avec les politiques migratoires nationales ?
Il s'agit de la question d'une organisation mondiale de la migration. Nous venons de vivre un congrès réunissant 280 participants venus des cinq continents, avec 70 évêques. Chaque continent a eu l'occasion de présenter ses problématiques liées à l'immigration.

C'est une vision mondiale de l'immigration. Il est intéressant de voir comment les Eglises manifestent leur sollicitude pour les migrants et les réfugiés dans des contextes différents. La question de l'immigration est très complexe et aucun pays ne peut s'organiser tout seul.

L'immigration est un phénomène global. Dans Caritas in veritate, Benoît XVI peut dire : « nous nous trouvons face à un phénomène social caractéristique de notre époque, qui requiert une politique de coopération internationale forte et perspicace sur le long terme afin d'être pris en compte de manière adéquate» (n° 62). L'Organisation des Nations Unies a su créer un organisme, l'Organisation mondiale du commerce (OMC), où l'on tente de maîtriser les questions liées au commerce. Cela nous autorise à penser qu'une autorité pour les migrations au niveau mondial serait souhaitable pour fixer des règles et les faire respecter.

Quel poids peut avoir l'Eglise face aux gouvernements sur ces questions ?
L'Eglise n'est pas pour tâche d'organiser à la place des autres. L'Eglise n'a donc pas la maîtrise des politiques qui traitent des migrations et de la sécurité. Elle intervient de manière spécifique. A la base de son action, il y a l'amour de Dieu qui consiste à aimer l'autre comme un frère.

L'Eglise prête sa voix à ce titre là pour que nos frères en humanité puissent être entendus et respectés eu égard à leur dignité humaine. En Europe par exemple, la Commission des épiscopats de la communauté européenne (COMECE), est attentive aux questions des migrations et aux politiques qui se cherchent.

Au niveau international, l'Eglise intervient auprès des Etats et de leurs gouvernants et auprès d'autres institutions civiles, sociales pour sensibiliser aux phénomènes migratoires et aux problèmes des réfugiés pour protéger et promouvoir la dignité de toute personne humaine.



Nouvelles du 25-11- 2009
Texte Pris sur le site CEF