Missionnaires
d'Afrique
Pères Blancs
France
Du journal Le Figaro
Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 18/11/2013 à 19:34 Publié le 18/11/2013
à 16:08
Le dilemme des prêtres missionnaires:
partir ou rester face au danger ?
On est toujours sans nouvelle du prêtre français
enlevé la semaine dernière au Cameroun. L'Église
ne force jamais ses missionnaires à s'éloigner du danger.
Ce sont eux qui prennent la décision ultime.
Le
sympathique visage du père Georges Vandenbeusch, 42 ans,
est dans tous les esprits, mais aussi dans les prières de beaucoup
de catholiques de son diocèse d'origine, Nanterre, et dans sa
paroisse, Saint-Jean-Baptiste, à Sceaux, qu'il a quittée
pour partir en mission au Cameroun, où il a été
enlevé la semaine dernière. Beaucoup d'intensité
spirituelle, donc, mais les instances de l'Église catholique
qui travaillent en lien avec la cellule de crise du ministère
des Affaires étrangères ne disposaient, lundi en milieu
de journée, d'aucune autre nouvelle. "Rien de neuf, confirmait
le père Hugues de Woilemont, vicaire général du
diocèse de Nanterre, mais nous savons les autorités françaises
et camerounaises très mobilisées."
5000 Français servent l'Église catholique
hors de l'Hexagone
Cette situation amène à se demander pourquoi l'Église
exposerait au danger ses rares jeunes prêtres. Qui, du reste,
ne sont pas si rares, puisqu'il y a actuellement 145 prêtres diocésains
français, comme le père Vandenbeusch, partis pour des
missions courtes de trois à six ans dans le cadre de Fidei Donum,
une structure internationale d'échanges de prêtres. Échange
qui va d'ailleurs dans les deux sens: il y a actuellement 1575 prêtres
étrangers venus prêter main-forte aux paroisses françaises.
Au total, donc, près de 5000 Français servent actuellement
l'Église catholique hors de l'Hexagone: ces 145 prêtres
diocésains et 1250 religieux (pères blancs, jésuites,
dominicains, lazaristes, assomptionnistes, bénédictins),
à qui il faut ajouter 2350 religieuses et 1230 volontaires laïcs.
Le Vatican décompte pas moins d'un mort par
mois en 2012
Ces chiffres démontrent que l'exposition du père Vandenbeusch
n'est pas un cas isolé. L'Église est régulièrement
confrontée sur la planète à des cas dramatiques.
Le Vatican décompte pour la seule année 2012 pas moins
d'un mort par mois dans l'exercice de leurs fonctions, prêtre,
religieux, laïcs... Côté enlèvement, on est
toujours sans nouvelles de trois religieux assomptionnistes congolais
enlevés il y a an dans la province du Nord-Kivu en République
démocratique du Congo. Et sans signe de vie, en Syrie, du jésuite
italien Paolo Dall'Oglio et de deux autres évêques également
enlevés.
Quelle conduite à tenir en cas de danger? Le père
Jean Forgeat, responsable du service Fidei Donum en France, répond:
"La logique est de rester au milieu du peuple que ces prêtres
sont venus servir. Partir ou rester? Plutôt rester, donc. Mais
nous leur disons toujours d'être prudents. Quand le danger est
vraiment imminent ou déclaré, nous recommandons de ne
pas s'exposer outre mesure. D'où notre recommandation, donnée,
aussitôt après l'enlèvement du père Georges,
à deux autres prêtres Fidei Donum en ce moment au Cameroun,
de se protéger."
"Souvent les missionnaires savent que leur présence donne
de la confiance, de la consolation, du courage aux populations?: ils
choisissent donc de rester"
Père Guy Vuillemin (Père Blanc)
Mais c'est en définitive à l'intéressé,
de prendre la décision ultime. La congrégation des missionnaires
d'Afrique, plus connue sous le nom de Pères Blancs (1360 missionnaires,
dont 225 Français), a une longue expérience en la matière.
Son supérieur pour la province de France, le père Guy
Vuillemin, explique: "Un missionnaire tisse des liens avec la population
locale. Si ces populations sont en danger, on reste avec elles. C'est
la consigne. Elle est claire. On ne va quand même pas partir quand
cela va mal pour les populations que nous sommes venus servir!
Cela dit, quand le danger monte vraiment, nous conseillons aux missionnaires
de se regrouper, de ne pas rester seul. Et nous leur disons que c'est
à eux de décider s'ils restent ou non. S'ils estiment
certains d'être confrontés à la mort, on leur conseille
de partir, et personne ne le leur reprochera. Mais ce sont eux qui prennent
la décision ultime. Souvent, ils savent que leur présence
donne de la confiance, de la consolation, du courage aux populations:
ils choisissent donc de rester.
Nous ne sommes pas une compagnie internationale, ni les fonctionnaires
d'une organisation. Nous sommes des témoins du Christ et des
pasteurs au service d'une population qui souffrent: que feraient ces
gens si "leur" pasteur partait? Nous sommes là pour
eux et non pour nous."
Et il conclut par cette anecdote qui rend compte de ce lien vital des
missionnaires avec les populations: "Quand le Nord-Mali avait été
attaqué en 2012, des religieux et religieuses de notre congrégation,
d'origine africaine, moins visibles que des Européens, avaient
choisi de rester avec les populations, malgré le danger. Une
nuit, des amis musulmans sont venus leur dire de partir: "Ils vous
cherchent, partez ou vous serez tués." Dans ce cas de danger
imminent, nos surs et frères religieuses et religieux sont
aussitôt partis se mettre à l'abri. C'était avec
l'assentiment et avec la recommandation de ceux qu'ils étaient
venus servir, et ils étaient restés jusqu'au bout possible."
Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 18/11/2013 à 19:34 Publié le 18/11/2013
à 16:08